lundi 12 novembre 2007

De la vindicte populaire

La question se trouve en filigrane de beaucoup de débats évoqués lors de la campagne électorale passée: dans une démocratie, le peuple peut-il décider de tout ? Lors d’une votation ou en assemblée communale, les citoyens jouissent-ils d’un pouvoir sans limite ? Le terme même de démocratie laisserait entrevoir une réponse positive. Il n’en est pourtant rien, et ce pour notre sécurité en tant que membre d'une communauté d'individus.
L’idée selon laquelle il faut protéger le peuple contre lui-même remonte au moins jusqu’à Jean-Jacques Rousseau. Dans son Contrat social (1762), il pose pour principe qu’il faut une limite au pouvoir du peuple. Dans un système où ce même peuple est simultanément source de légitimité, la position peut paraître périlleuse.
C’est pourtant un principe fondateur d’une saine démocratie. Elle a sinon tôt fait de se transformer en tyrannie de la majorité,au sens le plus fort du terme. Raisonnons par l’extrême pour voir où nous conduirait un pouvoir populaire illimité. Imaginons une situation où la majorité des citoyens de ce pays décide, au cours d’une votation en bonne et due forme, de me condamner à la peine capitale. Le pouvoir de l’ensemble étant illimité, la légitimité découlant du choix de la majorité : me voilà mort, sans autre forme de procès.
Les choses ne fonctionnent heureusement pas ainsi. Des mécanismes et des garanties ont été élaborés contre le dictat populaire. Avant toutes choses, la constitution marque les claires limites de ce pouvoir malléable et dangereux lorsqu’il est débridé. Vu que je jouis de droits inaliénables quant à ma personne, même l’unanimité des citoyens ne pourrait pas me condamner à mort.
Plusieurs exemples de cette thématique truffent l’actualité et l’on doit garder en tête que, dans toutes les situations où le pouvoir populaire menace de devenir trop grand, il doit exister des contre-pouvoirs. On pensera notamment à la question de la naturalisation par les urnes ou à la critique de la valeur d’une décision du tribunal fédéral contre la vox populi. Sous peine de constater amèrement l’irruption de l’arbitraire, ces deux tendances doivent être combattues vigoureusement.

Johan Rochel

Chronique publiée le 28 septembre dans le magazine "Le Vendredi"

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