lundi 15 juin 2009

Meutre et provocation british

Outre le choix des thèmes qu’il souhaite aborder, le chroniqueur jouit de la liberté de tirer des parallèles. En reliant des évènements qui n’ont d’apparence rien en commun, il tente de surprendre, provoquer, déranger.
Début juin dans l’Etat du Kansas, le Dr. Tiller, réputé pour les largesses de sa clinique en matière d’avortement tardif, était abattu par un pourfendeur des dites largesses. Par l’immédiateté et la simplicité de sa violence – avec une réflexion de type « je ne partage pas ta façon de faire, alors je t’élimine » - le crime rappelle sans détour qu’un petit nombre d’extrémistes est prêt à tuer pour contester le droit à l’avortement. En filigrane, l’évènement met également en lumière la force de frappe des lobbies anti-avortement. Aux Etats-Unis comme ailleurs, ces milieux menacent sans cesse de (re)placer à l’index les garanties du droit à l’IVG.
A des milliers de kilomètres, le musée des Beaux-Arts de Berne expose les œuvres intimistes et controversées de l’artiste britannique Tracey Emin. L’enfant terrible de la scène artistique contemporaine s’est rendue célèbre par ses œuvres provocantes, mêlant alcool et sexe sur fond de débauches existentielles en tous genres. Sa création la plus connue, sobrement intitulée « Mon lit », concentre tous ces éléments, bouteilles de vodka et préservatifs usagés s’amoncelant au pied du lit de l’artiste.
La rétrospective bernoise (jusqu’au 21 juin) consacrée aux travaux de la Britannique est traversée par les thèmes du viol et de l’avortement. Âmes sensibles s’abstenir, car on est bien loin d’une mise en scène détournée où les questions ne seraient abordées qu’à la bande. Les œuvres s’imposent par leur présence visuelle et sonore. A l’exemple de ce court-métrage montrant les images déprimantes d’une ville côtière du sud de l’Angleterre, auxquelles se superpose le commentaire racontant le viol. Et le cri, obsédant: « No ! No ! No ! ». Plus loin, quelques esquisses où l’on cisaille les ventres et montre les entrailles des femmes. Evocation graphique de l’épreuve terrifiante de l’avortement. En quittant l’exposition, on est dérangé. Quelle était la valeur artistique de ces objets ? Outre une plongée voyeuriste dans l’univers de Tracey Emin, qu’a-t-on exactement vu et vécu ?

Johan Rochel
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lundi 1 juin 2009

Penser la communication sans violence


Au quotidien, des phrases fugaces, à l’apparence anodine. Parfois sur le ton de la plaisanterie, ou sur le mode du reproche, ces petites piques acérées rythment nos rapports humains. Chacun s’est habitué à cette violence banalisée, qui semble trouver place dans les moindres recoins de nos contacts avec les autres. Au travail, en famille ou dans le couple, ces agressions journalières, bien souvent inconscientes, n’en finissent pourtant pas de blesser nos interlocuteurs.


On ne saurait l’oublier : la violence n’est pas que physique. Parfois autrement plus dévastateurs, les coups pleuvent aussi dans nos paroles et nos façons d’être. Et il est souvent difficile de trouver les mots pour décrire ces meurtrissures, tant elles font partie de notre quotidien. On prend alors sur soi, tandis que ces blessures s’accumulent et gagnent parfois en intensité, agissant sur le long terme. Dans le monde du travail, humiliations, pressions, rabaissements, moqueries et oppressions ont trouvé une résonance à travers le terme de « mobbing ». Et même si elle peine à rendre compte d’une réalité à la fois complexe et protéiforme, l’expression a le mérite d’attirer l’attention sur une série de comportements destructeurs.


Si la violence dite « psychologique » est de tous les instants dans nos interactions sociales, elle ne se confond pas avec les simples conflits. S’ils sont définis comme la rencontre d’intérêts divergents, les conflits apparaissent comme une conséquence inéluctable de la diversité des opinions humaines. Les appréhender et les résoudre sans excès de violence, notamment à travers une communication satisfaisante pour tous les partis, représentent certainement la clef de voûte de relations sociales pacifiées.


Les chercheurs et praticiens ont développé de nombreux modèles de communication dite « non violente ». La majorité semble partager quelques principes de base, censés réguler et améliorer notre mode d’interaction avec les autres. L’exigence de formuler clairement ses propres besoins et sentiments forme un pôle « parole », tandis que l’exigence de prêter une oreille attentive et sincère aux préoccupations de l’autre constitue le pôle « écoute ». Dans cette dialectique faite d’expression consciente et maîtrisée et d’écoute empathique, cette communication d’où l’on expurgerait une violence banalisée laisse entrevoir la possibilité d’échanges plus sereins.


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Johan Rochel