Au fil des analyses, l’observation a pris la
forme d’une boutade : nous devrions tous pouvoir voter lors de la
prochaine élection américaine. Le futur résident de la maison blanche exerce
une telle influence sur le monde que chacun se sent appeler à donner son avis. En
d’autres mots, choisir le président américain, c’est un peu l’affaire de
tous.
Comment expliquer cette
intuition « démocratique » ? Fondamentalement, il s’agit de
reconnaître l’influence qu’exerce le
président américain sur l’ensemble de cette planète. Pour certains, il s’agit
d’une influence directe, à l’image des migrants mexicains qui attendent la
fameuse réforme de l’immigration promise par Obama. Cette influence est
également très importante lorsque le président, dans ses habits de commandant
en chef, décide ou non de frapper la Syrie (et d’entrainer ses alliés). Elle
l’est également lorsque les Etats-Unis refusent de signer la convention de Kyoto,
participant ainsi à l’aggravation de la crise climatique.
Si cette influence est indéniable, permet-elle
de justifier un droit de participation démocratique ? Les migrants
mexicains, les alliés militaires et tout un chacun devraient-ils être associés
à la votation américaine sous couvert qu’ils sont influencés par le
résultat du vote? Certains théoriciens de la démocratie pensent qu’une telle
piste devrait être suivie. Quoiqu’il en soit sur le fond, elle apparaît en tous
les cas difficilement réalisable. Nous passerions notre temps aux urnes dans
une sorte de grande démocratie globale.
A défaut de cette solution
« extrême », notre intuition révèle la puissance de l’idéal
démocratique : les individus soumis à l’influence d’une autorité devraient
avoir un moyen de faire entendre leurs voix et leurs intérêts. Le cœur de cet
idéal semble être de diminuer les risques de domination, ces situations où nous
sommes à la merci des décisions prises
par d’autres, sans possibilité de faire valoir notre avis. De nombreuses constellations
de notre quotidien pourraient être interrogées à la lumière de cet idéal
démocratique. Pensons au fonctionnement de l’économie: comment organiser l’entreprise
de manière à prendre des décisions tout en étant attentif aux besoins et
intérêts des collaborateurs ? Pensons au droit de vote des
étrangers présents en Suisse : comment faire en sorte que leurs
intérêts sont pris en compte au moment de décider d’une loi qui s’appliquera à
tous, même à ceux qui n’ont pas le droit de participer ? Pensons à notre
politique étrangère : comment s’assurer que nous tenons compte des
individus ou pays qui seront influencés par nos choix ? Les défis
démocratiques sont posés. Comme Tocqueville dans l’Amérique du 19è, il ne nous
reste plus qu’à nous mettre en chemin.
Johan Rochel
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