mercredi 12 novembre 2008

2x « drogues », t’as fumé ?


Avec ses cinq objets fédéraux, le week-end du 30 novembre prochain frise l’indigestion démocratique. A l’intérieur de cette palette de thèmes ardus, deux sujets « drogues » semblent avoir le vent en poupe. Les adversaires ont particulièrement beau jeu, tant il semble facile de ranger le tout dans un même sac et de le couronner d’une belle seringue. Overdose de problèmes, affaire pliée : 2 x non.
Même si le livret distribué par la Chancellerie fédérale entretient lui aussi le doute, les deux objets diffèrent pourtant fondamentalement par leur nature et la question adressée à la population. Les traiter sous un même chapeau serait faire une lourde erreur d’appréciation.

En premier lieu, la modification de la loi fédérale sur les stupéfiants (datant de 1951) souhaite réaliser l’ancrage légal de la politique des 4 piliers (prévention-thérapie-réduction des risques-répression). Cette politique que la Suisse pratique avec un succès indéniable depuis une quinzaine d’années doit trouver une assise solide au niveau légal.
Seuls les idéalistes refusent de continuer sur cette voie efficace et pragmatique, en rêvant éveillés d’un monde vidé de tous les consommateurs de drogue. Cette illusion est dangereuse, car elle appelle des solutions irréalistes et en décalage avec les situations de terrain. Une approche idéologique ne peut cerner la complexité de la problématique des toxicomanies. La solution passe par des mesures médicales, policières et sociales, conformément aux quatre piliers. Les toxicomanes doivent en particulier être reconnus comme personnes souffrantes et soutenues dans leur démarche vers une vie meilleure.

En deuxième ligne, le peuple se prononce sur une initiative populaire visant à introduire dans la constitution un article indiquant entre autres que la consommation, la possession et l’acquisition de chanvre pour son propre usage n’est plus punissable. Des mesures de prévention auprès des jeunes doivent également être appliquées.
Vu qu’elle représente un cas limite, la question pose de réels problèmes à une société d’inspiration libérale. D’un côté, il est tentant de souligner que les adultes sont libres de consommer du cannabis et portent à ce titre la responsabilité de leur choix. Pour beaucoup, un tel tableau ne fait au fond que décrire la réalité actuelle, où le décalage entre mesures policières et réalité juridique est flagrant. Les partisans expliquent que l’initiative permettrait alors de mieux contrôler les habitudes actuelles de consommation (moins de deal car contrôle des points de vente par ex.).
Les adversaires de l’initiative (par ex. la LVT) pronostiquent néanmoins de vastes difficultés pratiques : comment autoriser la consommation tout en gardant une politique de prévention cohérente face aux plus jeunes ? Comment leur faire comprendre que le produit est tout sauf anodin ? Entre responsabilité individuelle et réalités de la prévention, le citoyen se trouve devant un choix difficile.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

lundi 3 novembre 2008

Mourir demain ? Inch allah

La vie nous rappelle bien souvent que notre présence sur cette terre ne tient qu’à peu de chose. Un fil tout au plus, que la grande faucheuse a tôt fait de trancher sans toujours s’épancher sur ses raisons. Pour les lecteurs assidus du dernier cahier du Nouvelliste comme pour les autres, tout cela ressemble fort à une banalité.
Au tournant de chaque jour, cette présence de la mort s’impose à nous sur le mode de l’imprévisible. Au gré des mots, cette virtualité se fait présente, presque palpable. « Et si vous deviez mourir demain, que feriez-vous de cette journée ? » demande le sage, nous obligeant à choisir entre les deux pôles de notre rapport millénaire avec la mort, entre déni et reconnaissance d’une imminence toujours menaçante.

Peut-être est-ce en ce sens qu’il faut comprendre l’expression inch allah ? En terre d’Islam, ce mot de sagesse donne corps à la conditionnalité de la vie que nous menons. J’ai encore en tête cet homme rencontré au Maroc, qui ponctuait toutes ses phrases contenant un futur d’un inch allah, susurré comme une leçon de vie. « Nous verrons nous demain ? » Inch allah répondait-il, humble face aux innombrables évènements possibles d’ici là.
« Si Dieu le veut » proclament les croyants, reconnaissant ainsi que le contrôle de notre destinée nous échappe. Nous pouvons dire Dieu, le destin, le hasard, l’absurde, qu’importe au fond. Inch allah, c’est la simple prise de conscience que demain ne nous appartient pas complètement. Baigné dans une société qui se bâtit sur le phantasme de tout maîtriser, il sonne parfois faux de rappeler l’omniprésence conjuguée de la mort et de l’imprévisible.
Pourtant, il faudra mourir - et loin d’une image d’Epinal - nous ne serons peut-être pas entourés de nos petits-enfants, recueillant les fruits d’une vie bien menée. Mourir, ce pourrait être une fois que vous aurez terminé de lire ces lignes. Et si tel n’était pas le cas, il nous importerait toujours de poser une question: la vie aurait-elle un goût plus intense si nous gardions toujours cette possibilité de mort bien en vue ?

Johan Rochel
www.chroniques.ch