lundi 3 novembre 2008

Mourir demain ? Inch allah

La vie nous rappelle bien souvent que notre présence sur cette terre ne tient qu’à peu de chose. Un fil tout au plus, que la grande faucheuse a tôt fait de trancher sans toujours s’épancher sur ses raisons. Pour les lecteurs assidus du dernier cahier du Nouvelliste comme pour les autres, tout cela ressemble fort à une banalité.
Au tournant de chaque jour, cette présence de la mort s’impose à nous sur le mode de l’imprévisible. Au gré des mots, cette virtualité se fait présente, presque palpable. « Et si vous deviez mourir demain, que feriez-vous de cette journée ? » demande le sage, nous obligeant à choisir entre les deux pôles de notre rapport millénaire avec la mort, entre déni et reconnaissance d’une imminence toujours menaçante.

Peut-être est-ce en ce sens qu’il faut comprendre l’expression inch allah ? En terre d’Islam, ce mot de sagesse donne corps à la conditionnalité de la vie que nous menons. J’ai encore en tête cet homme rencontré au Maroc, qui ponctuait toutes ses phrases contenant un futur d’un inch allah, susurré comme une leçon de vie. « Nous verrons nous demain ? » Inch allah répondait-il, humble face aux innombrables évènements possibles d’ici là.
« Si Dieu le veut » proclament les croyants, reconnaissant ainsi que le contrôle de notre destinée nous échappe. Nous pouvons dire Dieu, le destin, le hasard, l’absurde, qu’importe au fond. Inch allah, c’est la simple prise de conscience que demain ne nous appartient pas complètement. Baigné dans une société qui se bâtit sur le phantasme de tout maîtriser, il sonne parfois faux de rappeler l’omniprésence conjuguée de la mort et de l’imprévisible.
Pourtant, il faudra mourir - et loin d’une image d’Epinal - nous ne serons peut-être pas entourés de nos petits-enfants, recueillant les fruits d’une vie bien menée. Mourir, ce pourrait être une fois que vous aurez terminé de lire ces lignes. Et si tel n’était pas le cas, il nous importerait toujours de poser une question: la vie aurait-elle un goût plus intense si nous gardions toujours cette possibilité de mort bien en vue ?

Johan Rochel
www.chroniques.ch

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