vendredi 10 décembre 2010

Lettre ouverte au Père Noël

Cher Père Noël,
Est-il approprié de tutoyer un honorable vieil homme à la barbe blanche aussi longue qu’une liste de cadeaux ? Je puise dans mon âme d’enfant la conviction que le symbole de Noël ne saurait être un vieux grincheux tatillon sur les formes. Tu, donc.

Hier sur la Bahnhofstrasse zürichoise, j’ai encore croisé nombre de tes pâles copies. Ils étaient occupés à divertir les badauds, à garder des bambins ou même relégués à l’emballage des cadeaux. Inutile de te parler de leur barbe de pacotille et de leurs souliers en désaccord complet avec leur costume, je pense que ces sombres nouvelles te sont déjà parvenues. Triste époque : bats toi pour ton image Père Noël !

Outre ces soucis de marketing, tu sembles avoir définitivement terrassé un adversaire plus coriace. Un de ceux qui te faisaient de l’ombre dans le cœur des enfants. Non pas qu’il gênait la bonne marche du commerce – aucun souci de ce côté-là – mais il prenait une place gênante dans les réjouissances de Noël. J’ai nommé le petit Jésus. Et pour preuve de ton écrasante victoire, il suffit de compter les pâles copies croisées dans les grands magasins. Et toc.

Note bien que cela n’est pas pour me déplaire. Noël s’est ainsi émancipé de son caractère purement religieux pour devenir un de ces rares instants de vie en société où une sorte de communion semble se produire. L’espace de quelques semaines enguirlandées, nous ne vivons plus côte à côte, mais ensemble. Les plus économistes d'entre nous affirmeraient que la concurrence a décidément du bon.

Mais l’heure de l’Avent tourne ! Il faut que je me mette en quête de quelques présents. On a beau faire, il y a des attentes qu’il est difficile de décevoir. Je me permets encore de te recommander un peu plus de prudence que d’habitude. Le vent qui souffle sur l’Europe et la Suisse n’est pas des plus favorables aux étrangers. Qui plus est s’ils sont vieux et susceptibles de tomber à charge de la société.
Je te conjure de ne pas jouer les fous du volant avec ton traineau et d’être prudent au moment d’entrer dans les cheminées. Tu as beau être un Européen, tu pourrais te retrouver expulsé aussi vite que tu distribues tes cadeaux. En Suisse, nous sommes passés maîtres dans l’art du renvoi de moutons noirs à barbe blanche.

N’hésite par contre pas à amener des centaines de jouets produits dans des conditions épouvantables. Pourvu que les cadeaux réchauffent le cœur des enfants, le reste importe peu. En te recommandant tout spécialement de ne pas oublier mes souliers (les grands noirs, comme d’habitude), je te dis à très vite pour notre traditionnel vin chaud du 24. Couvre toi bien.

Johan Rochel
www.chroniques.ch