vendredi 17 octobre 2008

Histoire de point(s) de vue

En ces temps d’élection, l’occasion est belle de tendre l’oreille pour comparer les méthodes de choix que chacun applique. Qui a servi au mieux mes intérêts au cours des quatre dernières années ? En répondant à cette question, l’électeur cherche à déterminer quel politicien lui est le plus utile, en ce sens qu’il défend ses intérêts propres.
Une autre approche consiste à demander quelles sont les personnes les plus à même à viser le bien commun. En cherchant à s’engager pour une société juste, on donne son bulletin de vote aux politiques capables de penser la société comme une globalité respectueuse de tous.

Un exemple simple montre que les deux approches amènent parfois à des conclusions opposées. Imaginons le cas où nous devrions nous prononcer sur un politicien proposant une baisse d’impôts, qui aurait comme conséquence une baisse des aides sociales. Si je pense en terme d’intérêt personnel, je vote en faveur d’une telle baisse (à supposer que je ne sois pas au bénéfice de l’aide sociale). Si j’estime qu’il en va d’un devoir de justice de donner assistance à certaines personnes dans le besoin, je glisserai un non dans l’urne.

Mais la contradiction n’est-elle pas seulement apparente ? Il semble peu plausible de défendre à n’importe quel prix son intérêt propre, sans poser la question du juste. Par principe, est-il par exemple possible de toujours voter en faveur d’une baisse et contre une augmentation d’impôts, sans réfléchir aux conséquences pour l’entier de la société ?
Il se pourrait qu’une telle réflexion sur le juste consacre la capacité d’empathie d’êtres vivant en communauté. En usant de ce pouvoir, chacun peut « se mettre à la place » des autres, tentant ainsi de décider ce qu’il choisirait s’il occupait cette position (s’il était handicapé, ou à l’aide sociale,…). C’est ainsi que l’électeur glisse un bulletin réfléchi dans l’urne, puisqu’il tente au mieux de prendre en considération les personnes qui l’entourent.
En pensant selon le principe de société juste englobant tous les concitoyens, n’est-ce pas au fond mon intérêt propre que je mets en avant, levant ainsi la contradiction apparue plus haut ? En un mot, c’est très certainement dans une société juste que réside mon intérêt propre: une réflexion qui permettrait d’éviter une tyrannie de la majorité, où le groupe dominant impose à tous son intérêt personnel, sans toujours poser la question du juste. A méditer en ces temps où les majorités (parfois absolues) se font et se défont.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

lundi 6 octobre 2008

Attention, erreur logique

Une fois n’est pas coutume, cette carte blanche ne parlera pas de politique ou d’actualité de société. En fait, elle souhaite s’intéresser de près à une petite erreur de logique. Un biais qui vient souvent perturber notre capacité à bien juger une situation.
Imaginons un exemple fictif. Notre terre compte environ 100'000 terroristes, prêts à faire sauter tout ce qui leur déplait. Notons que je serai prêt à parier que neuf lecteurs sur dix ont en ce moment en tête le terme « musulman ». Mais peu importe, ce n’est pas l’objet de la présente chronique.
100'000 terroristes donc, que l’on supposera tous musulmans. Admettons maintenant que le nombre total de Musulmans sur terre se chiffre un peu près à 1 milliard. Cela signifie donc que 0,01% de cette population musulmane est terroriste.
C’est précisément sur ce point que la logique est parfois mise à mal. Subrepticement, sans prévenir, on passe de la proposition « tous les terroristes sont musulmans » (100'000 personnes) à la proposition « tous les Musulmans sont des terroristes » (1 milliard de personnes). Entre les deux, il n’y a pourtant aucun lien : un néant de logique. Une erreur banale, mais que nous avons presque tous commis une fois ou l’autre. Et même si l’on ne va pas au bout de l’argument, il reste l’impression d’un raisonnement correct. En conséquence, les Musulmans seraient d’une quelconque façon plus enclins à devenir terroristes. Certains esprits malintentionnés ne manquent d’ailleurs pas d’exploiter cette faiblesse de notre faculté de bien juger. Je vous livre ici un exemple à consonance plus helvétique et vous laisse soin de dénicher qui sont les esprits malveillants.

Admettons que la totalité des 1'000 criminels les plus dangereux que compte la Suisse soient originaires des Balkans. Souhaitant ostraciser ce groupe de personnes, certains commettent volontairement l’erreur décrite ci-dessus, passant de « tous les criminels viennent des Balkans » à « toutes les personnes des Balkans sont criminels ». Un lien quelconque entre les deux propositions autorise-t-il à tirer cette conclusion ? Il n’y a là qu’un nuage de fumée, un argument insidieux et parfait pour attiser un climat de haine à des fins politiques.

Johan Rochel
www.chroniques.ch