jeudi 19 mars 2009

Service civil ou la petite révolution en marche

Poisson mis à part, le 1er avril pourrait bien marquer une petite révolution pour le service militaire en Suisse. En effet, la date marque l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions sur le service civil.

Encore souvent confondu avec la protection civile, le service civil reste peu connu en Suisse. Pour les personnes déclarées aptes au service, la possibilité d’un service civil en remplacement de l’armée existe pourtant en Suisse depuis plus d’une dizaine d’années. Il est prévu pour les personnes ayant un conflit de conscience avec l’armée. Les raisons invoquées peuvent être multiples, s’articulant le plus souvent autour d’un refus de tuer et de s’engager dans une structure décrite comme violente.
Pour bien des civilistes toutefois, derrière ces raisons « officielles », c’est le sentiment de pouvoir être plus utile à la société dans d’autres activités qui provoque souvent le souhait de quitter l’armée.

Dès le 1er avril donc, la procédure sera simplifiée drastiquement. Il suffira de signifier, via un simple formulaire, son objection de conscience avec le service militaire. Sans autre forme de discussion, la personne sera affectée au service civil. Le prix à payer ? Un service 1,5 fois plus long que l’armée. Attention toutefois aux faux calculs. La journée du civiliste ne dure, dans bien des affectations, que 8 heures. Au contraire de l'armée, le civiliste n'est pas à disposition 24/24h.

Pour tous ceux qui ne se reconnaissent pas dans les buts, l’organisation ou la façon de fonctionner de l’armée, c’est l’occasion d’acquitter leur part envers la société selon d’autres voies. Les possibilités sont quasi illimitées, allant des travaux d’archivage et de l'engagement auprès des réfugiés à l’aide aux paysans dans les fermes ou les forêts suisses.

Pour l’armée suisse, c’est une petite révolution, même si on est encore bien loin du libre choix entre armée et service civil, tel que pratiqué en Allemagne notamment. Le nombre de personnes décidant d’intégrer le service civil pourrait augmenter, même si les prévisions à ce sujet restent hasardeuses. Le service civil continue de briller par sa discrétion, restant confiné à quelques 5% des conscrits (env. 13'000 personnes fin 2008).
Cette procédure facilitée va-t-elle diminuer les incitatifs à la fourberie au moment du recrutement, par ex. via de faux certificats de santé ? Les personnes souhaitant éviter à tout prix le service militaire choisiront-elles le service civil ? La qualité et la quantité des opportunités de s’engager pour le bien commun augmenteront-elles ?
L’application de la nouvelle procédure ne tardera pas à apporter des réponses. Une chose est toutefois certaine : le développement du service civil reste dépendant d’une information améliorée. Mais celle-ci restera confidentielle – concurrence trop dangereuse faite à l’armée suisse – jusqu’à ce que la Suisse accepte de s’engager dans un débat de fond sur l’obligation de servir.

=> Plus d'infos: www.zivi.admin.ch

Johan Rochel
www.chroniques.ch

vendredi 6 mars 2009

Trop plein d'éthique

Les dix premières lignes d’un article de magazine et déjà le mot « éthique » apparaissait à quatre reprises. « Produit éthique », « aliments éthiques » et autres objets sortis tout droit des étalages éthiques d’un magasin forcément éthique. Trop plein d’éthique.
Au risque de passer pour tatillon, un peu d’ordre et de systématique dans l’emploi du terme « éthique » semblent être à l’ordre du jour, sous peine de perdre de vue toute signification cohérente. Le concept même de « produit éthique » est-il correct ? A strictement parler, non. Un objet ne peut être dit éthique, car l’éthique est une branche de la philosophie qui s’intéresse au comportement ou à l’action juste. Les différentes sous-catégories de l’éthique appliquée le montrent au travers de leur dénomination : éthique des affaires, éthique biomédicale ou éthique environnementale. Tous ces concepts mettent en avant un comportement humain (avec d’autres humains, des animaux, la nature) et renvoient aux critères suivant lesquels celui-ci peut être dit juste.
Les premières protestations se font entendre. Je joue sur les mots, car « produit éthique » décrit bien entendu un produit fabriqué selon des normes éthiques. Et vu que les normes ont pour but de cadrer l’action humaine, le terme éthique est ici correctement employé. S’agit-il d’un simple raccourci linguistique, sans autre danger sous-jacent ?
La formule complète « fabriqué selon des normes éthiques » indique que l’emploi du terme « éthique » pour lui-même reste limité. A lui seul, comme dans « produit éthique », il n’indique rien de bien concret. En l’associant au terme « normes », on comprend que son emploi exige de donner un peu de substance. En affirmant que ce produit est « éthique », que veut-on dire ? Est-il produit selon des critères d’équité ? Les travailleurs qui le fabriquent sont-ils suffisamment payés ? L’environnement est-il pris en compte ? Le produit répond-t-il à une situation d’urgence (médicaments en cas d’épidémie) ?
Ces quelques interrogations pour montrer que qualifier un produit d’ « éthique », sans définir plus avant quelle position est défendue, ne permet en rien de clarifier le débat. Le terme jouit d’un certain prestige. Il n’empêche que seul, il ne signifie rien. Aucune force politique ou mouvement religieux n’a le monopole de la signification du terme éthique, par le simple fait que son emploi présuppose une position et une vision plus ou moins complète sur ce qu’est une action juste. Ce n’est qu’en connaissance de tels éléments qu’un débat fructueux entre les différentes positions peut s’engager.

www.chroniques.ch
Johan Rochel

=> La version podcast de cette chronique (disponible sur www.quoique.ch) a été diffusée le mercredi 25 mars 2009 dans l'émission "Médialogues" de la Radio Suisse Romande. Elle est disponible à l'adresse suivante: http://www.rsr.ch/la-1ere/medialogues