vendredi 6 mars 2009

Trop plein d'éthique

Les dix premières lignes d’un article de magazine et déjà le mot « éthique » apparaissait à quatre reprises. « Produit éthique », « aliments éthiques » et autres objets sortis tout droit des étalages éthiques d’un magasin forcément éthique. Trop plein d’éthique.
Au risque de passer pour tatillon, un peu d’ordre et de systématique dans l’emploi du terme « éthique » semblent être à l’ordre du jour, sous peine de perdre de vue toute signification cohérente. Le concept même de « produit éthique » est-il correct ? A strictement parler, non. Un objet ne peut être dit éthique, car l’éthique est une branche de la philosophie qui s’intéresse au comportement ou à l’action juste. Les différentes sous-catégories de l’éthique appliquée le montrent au travers de leur dénomination : éthique des affaires, éthique biomédicale ou éthique environnementale. Tous ces concepts mettent en avant un comportement humain (avec d’autres humains, des animaux, la nature) et renvoient aux critères suivant lesquels celui-ci peut être dit juste.
Les premières protestations se font entendre. Je joue sur les mots, car « produit éthique » décrit bien entendu un produit fabriqué selon des normes éthiques. Et vu que les normes ont pour but de cadrer l’action humaine, le terme éthique est ici correctement employé. S’agit-il d’un simple raccourci linguistique, sans autre danger sous-jacent ?
La formule complète « fabriqué selon des normes éthiques » indique que l’emploi du terme « éthique » pour lui-même reste limité. A lui seul, comme dans « produit éthique », il n’indique rien de bien concret. En l’associant au terme « normes », on comprend que son emploi exige de donner un peu de substance. En affirmant que ce produit est « éthique », que veut-on dire ? Est-il produit selon des critères d’équité ? Les travailleurs qui le fabriquent sont-ils suffisamment payés ? L’environnement est-il pris en compte ? Le produit répond-t-il à une situation d’urgence (médicaments en cas d’épidémie) ?
Ces quelques interrogations pour montrer que qualifier un produit d’ « éthique », sans définir plus avant quelle position est défendue, ne permet en rien de clarifier le débat. Le terme jouit d’un certain prestige. Il n’empêche que seul, il ne signifie rien. Aucune force politique ou mouvement religieux n’a le monopole de la signification du terme éthique, par le simple fait que son emploi présuppose une position et une vision plus ou moins complète sur ce qu’est une action juste. Ce n’est qu’en connaissance de tels éléments qu’un débat fructueux entre les différentes positions peut s’engager.

www.chroniques.ch
Johan Rochel

=> La version podcast de cette chronique (disponible sur www.quoique.ch) a été diffusée le mercredi 25 mars 2009 dans l'émission "Médialogues" de la Radio Suisse Romande. Elle est disponible à l'adresse suivante: http://www.rsr.ch/la-1ere/medialogues

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