vendredi 20 mai 2011

Heurts et bonheurs du commerce équitable

On connaissait le label Max Havelaar et ses emballages porteurs de travailleurs souriants. Cette année, les campagnes de publicité se référant à des labels bio, fair trade ou autre commerce durable sont légions. Sur les affiches et les produits, le recours direct à ces arguments a incontestablement gagné en présence.

Ne boudons pas notre plaisir. Derrière ce nombre croissant d’actions « éthiques » se cache une prise de conscience proprement révolutionnaire de nombreux consommateurs. Balader son caddie dans les étals des supermarchés n’a rien de banal ou d’insignifiant. Le choix que chacun d’entre nous réalise au moment de saisir un litre de jus d’orange, du chocolat ou un vêtement revêt une influence considérable pour une multitude d’acteurs, organisés au sein d’une chaine de production complexe et souvent opaque. Cette nouvelle donne globalisée et le travail de transparence que réalisent labels et société civile participent à un changement fondamental dans notre approche de ces gestes quotidiens. Bien plus qu’il ne l’était pour nos grands-parents, le passage au supermarché est devenu synonyme de gestes hautement politiques. Refuser cette nouvelle signification, c’est au mieux fermer les yeux sur une réalité qu’on se devrait de voir, au pire refuser de reconnaître ses responsabilités morales.

Derrière ces développements réjouissants, on se doit néanmoins de critiquer deux points cruciaux. Le débat sur ces choix « éthiques » est bien souvent tronqué. L’éthique n’est pas une science exacte, dont le contenu se laisse formuler facilement. Au sens fort, l’éthique est la tentative du bien agir, à ce titre inséparable de la complexité et de l’incertitude des actions humaines. La vision idyllique de l’éthique qui semble prévaloir sur les étals atteint ses limites lorsque les profondes tensions entre les différents labels apparaissent au grand jour. Un légume récolté bio est-il synonyme de droits humains respectés ? Et l’inverse ? Un fruit importé depuis l’autre coté du monde peut-il être bio ? Ces tensions ne sont pas insolubles, mais une position satisfaisante exige un travail de fond conséquent. Le consommateur a besoin de labels performants, capables de prendre en compte la complexité des interactions et des situations de chaque branche.

De plus, cette avancée ne résoudra pas tout. Le choix des produits au supermarché relève également du facteur prix. Tous ne peuvent pas se payer un choix « éthique ». De politique, la question se fait également sociale. Consommateurs aisés, pauvres ou moyens ont-ils la même responsabilité morale ? Comment rendre compte de cette question devant le tribunal de la caissière ?

Johan Rochel
www.chroniques.ch