mardi 20 novembre 2007

De l'intérêt d'une chronique

Chères et chers internautes,

Soyez les bienvenus sur le blog " Tout en chroniques" !
Ce blog se veut avant tout un espace d'échange d'idées. Un lieu où le visiteur est invité à réagir au texte qui vient de lui être présenté.

La raison d'être d'une telle plate-forme d'interactions se trouve toute entière résumée dans la conviction que la rencontre d'une multitude d'avis et de positions et les échanges que nourrissent entre eux ces différents points de vue sont à la base de tout progrès. C'est en étendant son horizon de pensée que chacun peut espérer viser à un plus grand épanouissement au regard de ses différentes facultés et talents.

Afin de provoquer un tel cheminement intellectuel, quoi de mieux qu'un texte engagé et propre à bousculer des idées supposées solides ? Quoi de mieux qu'une chronique bien sentie, proposant une interrogation neuve et originale ?A n'en pas douter, il est peu probable que chacune des chroniques que vous trouverez sur ce blog bouleverse la compréhension que vous avez du monde qui nous entoure. A son échelle, chacun de ces courts essais aura gagné son pari s'il distille le doute ou provoque l'étonnement. Si une des chroniques n'y parvient pas, elle n'a pas sa place sur cette page. N'hésitez pas à le faire savoir !

Ces chroniques sont en effet pensées comme autant d'invitations à l'échange intellectuel. Je souhaite de tout coeur que ces textes vous donnent envie de critiquer les idées qu'ils contiennent. Dénoncer les raisonnements douteux et fustiger les propositions déplacées dans le respect de la position avancée sont les premiers facteurs d'enrichissement d'une telle plate-forme.

Il ne me reste qu'à vous souhaiter une excellente lecture. Critique, s'il était besoin de le préciser.

Johan Rochel

Derrière le minaret: l'Islam

Les sympathisants de l’UDC et de l’UDF sont toujours en quête de signatures pour leur dernière initiative commune. De quoi s’agit-il ? « D’interdire un symbole de pouvoir politico-religieux (ndlr : le minaret) qui exclut la tolérance afin de garantir la liberté religieuse pour tous », comme l’explique l’argumentaire disponible sous www.minarets.ch.
Pourquoi vouloir interdire les minarets (deux existent déjà, à Genève et Zürich) ? Car ceux-ci excluraient la tolérance. Poussons le raisonnement à son terme. Le minaret n’est qu’une construction – un assemblage de pierres – et ne saurait ainsi être affublé de l’adjectif « intolérant ». Seuls peuvent l’être les personnes qui demandent son édification. De même pour le « symbole de pouvoir politico-religieux ». En tant que symbole, il représente des personnes (les Musulmans) qui, elles, peuvent être accusées de cultiver une volonté de puissance. Le raisonnement est clair : vu que le minaret n’est que le produit de la volonté de certains croyants, les qualificatifs proposés par l’UDC/UDF retombent en toute nécessité sur ces personnes.
Le minaret n’est alors que l’excuse – le paratonnerre – des critiques que tous les intolérants souhaiteraient adresser directement aux Musulmans. Par respect pour une liberté religieuse (qu’ils voudraient voir fortement restreinte), les initiants n’osent s’attaquer de suite aux croyants. Et pourtant, il ne fait guère de doutes que les signataires de l’initiative nourrissent des sentiments anti-musulmans.
Derrière la critique du simple indicateur de la présence d’un lieu de culte musulman (l’équivalent exact d’un clocher !), c’est la critique d’un Islam perçu comme barbare et menaçant qui se met à jour. Un Islam que les initiants ne veulent comprendre, qu’ils caricaturent honteusement et qu’ils sont tout juste prêts à tolérer en Suisse, si tant est qu’il se terre. N’ont-ils pas compris qu’une visibilité plus grande entraîne également un devoir de transparence ? N’ont-ils pas compris qu’une présence visible est indissociable de plus d’intégration ?

Johan Rochel

Chronique publiée le vendredi 25 mai 2007 dans le magazine "Le Vendredi"

mardi 13 novembre 2007

L'Agence C

Impossible de manquer ces immenses affiches où sont reproduits des extraits de la Bible. L’interpellation cède rapidement la place à la curiosité : qui se cache derrière ce prosélytisme exacerbé ? « Un cercle d’amis interconfessionnels de Chrétiens » indique le site internet de la mystérieuse Agence pour Christ (www.agence-c.ch). Les présentations étant faites (quoique très floues, faute de définitions suffisamment claires), reste à interroger le projet qui se cache derrière ces affiches.
Le ton conquérant et décidé, l’Agence C est l’instigatrice d’une action intitulée « 7 ans pour ancrer la parole de Dieu en Suisse ». Conçue en trois phases, la campagne aux relents de croisade veut tout d’abord « présenter le caractère de Dieu », puis « enseigner l’amour et la fidélité de Dieu » et finalement, entre 2010 et 2012, « faire connaître les commandements de Dieu ». Pourquoi l’Agence C s’invite-elle dans l’espace public ? Car elle estime que notre société se caractérise par un vide de valeurs, provoqué par le fait que les « idéaux humanistes » ont remplacé « les valeurs bibliques ». Toutes les citations ci-dessus proviennent du dit site internet.
L’humain placé au centre, capable d’utiliser sa raison afin de déterminer les grandes lignes de sa vie, est un résultat conquis de longue lutte contre l’obscurantisme. Les idéaux humanistes que l’Agence C souhaitent renvoyer aux oubliettes ont hissé la liberté au rang de valeur cardinale. A l’opposé, quelles solutions les mystérieux membres de l’Agence proposent-ils au déboussolage supposé de notre société ? La dernière étape de leur croisade d’affichage ne laisse guère de place au doute : l’obéissance. Les commandements de Dieu – qui « ne sont pas des mots d’homme, mais des mots de Dieu » - doivent guider la vie humaine et juguler un être qui, laissé seul, ne saurait être que pécheur. L’idéal de l’Agence C est un homme marchant l’échine courbée, trouvant le sens de son existence dans une soumission aveugle.
Que mon propos soit clair : il ne s’agit pas de remettre en question le droit de s’exprimer de l’Agence C. Il est par contre du devoir des défenseurs de l’humanisme de poser un regard critique sur ce retour de l’intégrisme, puis de repousser avec force le contenu d’un projet dangereux et inquiétant.

Johan Rochel

Chronique publiée le 8 juin 2007 dans le magazine "Le Vendredi"

La politique comme création


Les dernières semaines ont été littéralement noyées sous l’actualité politique. Avec parfois, à la clef, une désagréable sensation de faux et de trompe l’œil. Alors, pour qui ne vibre plus à l’écoute de la vie politique du palais fédéral, pourquoi ne pas se (re)tourner vers une classique de la pensée politique du 20è siècle ? Hannah Arendt, Allemande émigrée aux Etats-Unis dans une Europe en guerre, aurait fêté en 2006 son centenaire. Ses interrogations d'après-guerre demeurent pour nous des sujets hautement actuels. Outre ses fameux écrits sur le totalitarisme, la philosophe s’est imposée comme une figure centrale de la pensée du politique. Avec une question essentielle et décisive, traversant l’entier de son œuvre : qu’est-ce que la politique ? La réponse qu’y apporte Arendt se construit sur les concepts de diversité et de liberté. Florissant sur ce socle, la politique authentique devient création, appel au radicalement nouveau.
La politique, c’est avant tout l’action qui prend naissance dans la sphère publique. Un espace où les individus interagissent et partagent leurs opinions, le royaume de la diversité. Au sein de cette multitude, chacun jouit d’un droit à la liberté. La condition de survie de cette société se trouve résumée dans l’égale participation de tous à cette diversité. Quel est l’idéal de l’action politique qu’appelle Arendt de ses vœux ? Si elle se veut authentique, la politique doit être création. Elle n’est jamais une gestion ou une administration des acquis, là n’est pas son rôle. « Rien de plus dangereux que de ne plus penser », dira Arendt tout au long de sa vie. L’action politique est un appel à faire exister quelque chose de radicalement nouveau : le monde doit s’enrichir d’un nouvel apport.
On le pressent à la découverte de cette définition: les épisodes de politique authentique sont très rares. Brillants et révolutionnaires, ils ont la capacité de transformer la société qui les voit fleurir. Non sans heurts parfois. Pour qui n’y croit plus, lassé de faux débats et de prétendues avancées démocratiques, pourquoi ne pas s’intéresser à cette grande soif de création ?


A découvrir : Hannah Arendt, Condition de l’homme moderne

Johan Rochel

Chronique publiée dans le magazine "Le Vendredi"

lundi 12 novembre 2007

De la vindicte populaire

La question se trouve en filigrane de beaucoup de débats évoqués lors de la campagne électorale passée: dans une démocratie, le peuple peut-il décider de tout ? Lors d’une votation ou en assemblée communale, les citoyens jouissent-ils d’un pouvoir sans limite ? Le terme même de démocratie laisserait entrevoir une réponse positive. Il n’en est pourtant rien, et ce pour notre sécurité en tant que membre d'une communauté d'individus.
L’idée selon laquelle il faut protéger le peuple contre lui-même remonte au moins jusqu’à Jean-Jacques Rousseau. Dans son Contrat social (1762), il pose pour principe qu’il faut une limite au pouvoir du peuple. Dans un système où ce même peuple est simultanément source de légitimité, la position peut paraître périlleuse.
C’est pourtant un principe fondateur d’une saine démocratie. Elle a sinon tôt fait de se transformer en tyrannie de la majorité,au sens le plus fort du terme. Raisonnons par l’extrême pour voir où nous conduirait un pouvoir populaire illimité. Imaginons une situation où la majorité des citoyens de ce pays décide, au cours d’une votation en bonne et due forme, de me condamner à la peine capitale. Le pouvoir de l’ensemble étant illimité, la légitimité découlant du choix de la majorité : me voilà mort, sans autre forme de procès.
Les choses ne fonctionnent heureusement pas ainsi. Des mécanismes et des garanties ont été élaborés contre le dictat populaire. Avant toutes choses, la constitution marque les claires limites de ce pouvoir malléable et dangereux lorsqu’il est débridé. Vu que je jouis de droits inaliénables quant à ma personne, même l’unanimité des citoyens ne pourrait pas me condamner à mort.
Plusieurs exemples de cette thématique truffent l’actualité et l’on doit garder en tête que, dans toutes les situations où le pouvoir populaire menace de devenir trop grand, il doit exister des contre-pouvoirs. On pensera notamment à la question de la naturalisation par les urnes ou à la critique de la valeur d’une décision du tribunal fédéral contre la vox populi. Sous peine de constater amèrement l’irruption de l’arbitraire, ces deux tendances doivent être combattues vigoureusement.

Johan Rochel

Chronique publiée le 28 septembre dans le magazine "Le Vendredi"

Les UDCs



Le groupe UDC est-il vraiment le monolithe que certains espèrent imposer ? De prime abord, l’image que distille le parti lui-même ne laisse que peu de place au doute: une idéologie, un programme édicté par les organes directeurs du parti, une consigne prise au pied de la lettre. Chaque maillon de cette machinerie bien huilée ressemble à un soldat zélé, non désireux ou incapable de remettre en question les ordres venus du haut.
Réalité ? A n’en pas douter, c’est l’image que certains cadres du parti souhaiteraient voir triompher. Les médias jouent à merveille leur rôle, relayant sans relâche l’image d’un bloc sans dissension interne. Pour la majorité du grand public, chaque membre du 1er parti de Suisse est ainsi uniformément contre les minarets et prêt à sacrifier père et mère pour sauver la peau de Blocher.
Et pourtant, à lire attentivement entre les lignes, on se prend à penser que ce n’est pas vrai. On se prend à espérer qu’il existe des UDCs. Samuel Schmid pourrait être leur chef de file, lui qui s’est par exemple prononcé contre la manifestation bernoise qui a débouché le week-end passé sur de violents heurts. Lui qui a également critiqué la valeur de l’initiative anti-minarets. Lui qui se trouve dans le courant de cette droite bourgeoise non extrémiste, descendante de l’ex-PAB (parti des Paysans, Artisans et Bourgeois ; devenu UDC en 1971).
Mais pourquoi cette frange modérée reste-elle silencieuse ? Comment le trio zurichois (Blocher, Mörgerli, Maurer) parvient-il à faire croire que sa ligne idéologique est celle de l’ensemble du parti ? La figure charismatique de Blocher peut-elle tout expliquer ?
Si ces questions ne trouvent pour l’instant pas d’écho au sein de l’UDC, il n’en est pas moins vrai que la pression monte sur cette frange modérée. Jusqu’à quand supportera-t-elle d’être décrite comme raciste et fascisante ? Conserver le mythe d’un parti uni vaut-il tous les sacrifices ?
Johan Rochel

Chronique publiée le vendredi 12 octobre 2007 dans le magazine "Le Vendredi"

mercredi 7 novembre 2007