jeudi 27 décembre 2007

Et si les marchés de Noël étaient tout de même importants...

Les fêtes viennent de se terminer. Chaque année un peu plus grands, les marchés de Noël ont encore affermi leur emprise sur les centres-villes. Et pourtant, où se trouve la clef de leur succès ? Les produits artisanaux qu’on y trouve ? Surfaits et passablement plus chers qu’à l’accoutumé. Le vin chaud préparé au coin du feu ? Foutaises, il sort de la bouteille tout préparé. La possibilité de faire des achats originaux ? Le marché de Noël de Tübingen ressemble en tous points à celui de Montreux. Pour l’originalité, merci de repasser l’année prochaine.

Pourquoi se trouve-t-on comme attiré vers le marché de Noël ? Je suis convaincu que nous venons, dans une vaste majorité, y chercher quelque chose d’essentiel: la sensation d’appartenance à une même communauté. Quoi de plus rassembleur que la sensation de participer à un évènement au cours duquel tout un chacun semble trouver sa place ?
Le sociologue allemand du 19è siècle Ferdinand Tönnies a distingué pour la première fois entre la Gemeinschaft et la Gesellschaft, distinction que l’on pourrait redonner imparfaitement en français par communauté et société. Le premier concept décrit le vivre-ensemble, le fait de partager quelque chose de commun (gemein). Le deuxième concept traduit à sa manière le simple fait de vivre-avec. Un endroit où les membres d’une société sont simplement posés l’un à côté de l’autre, sans toutefois partager d’expériences communes. Le marché de Noël nous offre peut-être une occasion de renouer avec ce sens de la communauté. Il nous permet d’expérimenter notre appartenance à la Gemeinschaft. De manière semblable à ces marchés, les manifestations sportives de grande envergure nous offrent un exemple de communauté. Nous aurons encore l’occasion de le vérifier en été 2008 au cours de l'Euro.
Assurer que la vie en société (le vivre-avec) soit possible est une première étape obligée. Elle ne suffit toutefois pas entièrement à satisfaire ce besoin vital d’appartenance. Même s’ils font formellement partie d’une même société, des voisins peuvent insensiblement s’éloigner, dériver, se morceler. Atteignant un point critique, il est alors probable qu’ils deviennent sensibles à un discours, parfois extrémiste et dangereux, leur promettant une autre Gemeinschaft, répondant mieux à leurs attentes.
A l’heure où l’on vante (à raison) le pluralisme de nos sociétés – le fait que toutes sortes de personnes vivent dans un même espace donné -, il est certainement vital que l’on invente de nouvelles formes de vivre-ensemble, auxquelles chacun puisse s’identifier. C’est dans cette exigence que se trouve résumée toute la difficulté de l’opération : rassembler les gens de différentes cultures, mais également les différentes générations d’une même culture.

Johan Rochel

lundi 17 décembre 2007

Le peuple a-t-il été floué ?

Qui sème le vent…

Le jeudi 13 décembre 2007, jour du grand « oui » prononcé par Evelyne Widmer-Schlumpf, le peuple a-t-il été floué ? L’UDC – prétendument encore unifiée - n’hésite pas à le crier à qui veut l’entendre : les parlementaires qui ont bouté leur champion hors du collège ont trahi la volonté populaire. Les urnes avaient donné au soir du 21 octobre un résultat univoque : leur jugement a été bafoué ! Le couperet agrarien ne se fait pas attendre : le choix du Parlement est tout simplement anti-démocratique.
Comme le relevait le politologue René Knüsel dans l’Hebdo du 14.12.07, c’est en fait une sorte de retour à la normale qui vient de s’opérer. Le peuple jouit chaque quatre ans du droit d’élire aux Chambres fédérales ses représentants. Il envoie à Bern ceux qu’il estime être les plus aptes à défendre ses intérêts. A travers son vote, le peuple établit également les futurs rapports de force qui régiront la vie du Palais fédéral.
Au contraire de ce que promettaient les affiches de l’UDC tout au long de la campagne –« renforcer Blocher au Conseil fédéral, votez UDC »-, les citoyens n’ont pas de possibilités de choisir les personnalités du collège fédéral. Tout au plus ont-ils une capacité indirecte d’influencer ce choix, en élisant des parlementaires ayant rendu publique leur décision sur ce sujet. A mon sens, il est particulièrement heureux que le peuple n’ait pas la prérogative de choisir directement les membres du collège. Ce sujet pourra être traité dans une prochaine chronique, l’UDC ayant déjà annoncé qu’elle lancerait une initiative sur cette question.

En choisissant de renvoyer Blocher hors des 7, le Parlement a réaffirmé un pouvoir qui était le sien avant 2003. Car c’est lors de l’élection de Blocher au profit de Ruth Metzler que le Parlement avait subi pour la première fois le chantage agrarien. En 2007, excédés par l’argumentaire du « Blocher ou l’opposition », bon nombre de parlementaires n’ont pas supporté de se voir forcer une seconde fois la main. C’est pour cette raison – la dénonciation de la manière de faire de la politique propre à l’UDC et à son champion – que Blocher s’est vu signifié un carton rouge. Dans un système comme le nôtre, ce n’est pas le contenu de ses idées qui se trouvait au centre de la critique. Ou, soyons plus précis, ce ne devrait pas l’être.
En 2007, les parlementaires ont donc remis l’église au milieu du village fédéral. Lorsqu’il choisit les personnes qu’il juge aptes à siéger au Conseil fédéral, le Parlement fait montre de sa capacité à déterminer la meilleure équipe pour l’exécutif. C’est une prérogative qu’il a utilisée bien souvent au cours des précédentes élections : tous les partis, particulièrement le PS, ont en fait les frais.
En accomplissant ce geste, symbole de sa souveraineté, le Parlement donne une ligne politique claire au Conseil et indique qu’il veut un collège capable de travailler en équipe dans le respect du principe de collégialité.

Une bonne partie de l’UDC s’en va donc dans l’opposition. Celle-ci sera visiblement commandée par Blocher. Peu de commentaires s’imposent sur ces deux points, tant ils font d’ores et déjà partie intégrante de la politique fédérale.
Si l’UDC joue une partie honnête (ce dont on peut douter), il faut se réjouir d’une opposition claire et tournée vers le but ultime de faire avancer le pays. En dénonçant les non-dits ou les arrangements frauduleux, un parti d’opposition participe à plus de transparence dans le système politique. Une opposition systématique et susceptible de bloquer le pays - une véritable obstruction du système - n’est pas à craindre sur le long terme, tant elle relèguerait l’UDC en position de perdant (par exemple lors de défaites répétées devant le peuple). Le regard porté sur l’avenir de la politique fédérale se veut donc empreint de confiance en des jours meilleurs.

Johan Rochel