jeudi 19 août 2010

Carnet de route d’un été européen

Les Balkans, l’Ex-Yougoslavie, la Yougoslavie jusqu’aux premières fragmentations de 1992. Ces mots qui parlent d’un Ailleurs où notre imaginaire ne place que guerres, misère et génocide. Et pourtant, après quelques jours passés en Croatie, une intense sensation de normalité. A 90 minutes de vol de Genève, aurions-nous choisi un sentier trop balisé ?
La terre des Balkans échappe à qui veut la saisir. Qui se rappelle que la Slovénie, véritable petite Suisse des Balkans, fait partie de cet ensemble protéiforme ? Qui dit encore qu’il va dans les Balkans lorsqu’il se prélasse sur les plages de galets croates ? Les Balkans reculent sous l’effet du développement, à mesure que nous investissons le lieu de mémoires plus en accord avec notre vision de la civilisation européenne. Et au gré de notre progression en Bosnie-Herzégovine, alors que minarets et bâtiments en ruine s’invitent dans notre quotidien, cette entêtante sensation de retour sur un lieu connu se dissipe. Sans toutefois ne jamais disparaître.

Après trois semaines de route à travers l’Europe balkanique, il reste l’impression poétique d’un voyage géologique. Entre les couches de l’histoire comme à Sarajevo, « ville de lumière » au croisement de l’empire ottoman, de l’Autriche-Hongrie et des Nations-Unies. Mais également à travers les clivages religieux et ethniques, façonneurs fous de tant d’identités meurtrières. A l’image de Mostar, où les combats identitaires continuent dans une course effrénée aux symboles religieux.

A n’en pas douter, on revient de ce périple grandi. Grandi d’avoir vu de près la folie destructrice de quelques sanguinaires, assoiffés de promulguer la supériorité des leurs. Grandi d’avoir vu la capacité des gens à reprendre le difficile chemin de la cohabitation au-delà des clivages. Grandi finalement de pouvoir mettre un paysage, une odeur et un souvenir sur la terre de tant de nos voisins d’ici. Eux qui sont maintenant à nouveau si proches.

Johan Rochel
www.chroniques.ch