dimanche 20 juillet 2008

Bangkok: plongée dans la fourmilière thaïe

Voici la 1ere d'une série de 3 chroniques de voyage, toutes publiées dans le magazine "le Vendredi". Bien du plaisir !


Le temps d’un été, le vendredi s’offre une bouffée d’exotisme. Son carnet de route vous invite à découvrir quelques instantanés de Thaïlande et d’ailleurs…

Alors qu’une pluie fine semble s’être attardée sur Bangkok, l’avion se pose doucement. Le premier pas sur le tarmac marque le début d’un périple de six semaines à travers la Thaïlande et le Cambodge.
Sans transition aucune, Bangkok s’impose au voyageur à peine sorti des brumes de son long trajet. Les quelques marches qui mènent jusqu’à terre parlent bien plus que la meilleure des introductions. L’air est lourd, la moiteur tellement présente qu’on pense pouvoir la saisir. En une seconde, la première goutte de transpiration perle au creux du dos. L’Asie et sa mousson se sont invitées pour un corps-à-corps dont il n’est guère facile de se dépêtrer.
Alors que le taxi cherche son chemin entre les quatre voies de l’autoroute, em-bouteillages monstres et pollution crasseuse bondissent à la gorge. Peu de place pour le répit, dans une ville à taille inhumaine, où tuk-tuk et bus publics délabrés s’enfilent comme dans un enfer motorisé.
S’il est à portée des nouveaux arrivants, le salut se trouve du côté du Mae Nam Chao Phraya, fleuve brunâtre qui coule à travers la capitale. En compagnie des écoliers sagement vêtus de leur uniforme et des moines souriant dans leurs vêtements safran, on saute sur un des nombreux bateaux-taxis. Sillonnant sans relâche les eaux dégoûtantes du fleuve, ils permettent de découvrir une Bangkok prise dans ses extrêmes, entre maisons sur pilotis et tours vertigineuses des hôtels de luxe. Au fil du Mae Nam Chao Phraya, à cinquante étages de différence, l’attique et le rez-de-chaussée de la société thaïe cohabitent.

Par-delà ses 10 millions d’habitants, Bangkok s’est construite autour d’une multitude de microcosmes, propres à la culture des spécificités de chacun. Les Occidentaux diraient-ils ghettos? Les Thaïs semblent n’en avoir cure, bien que la première impression puisse tromper.
Autour de la célèbre Kao San Road, le microcosme touristique des jeunes Anglais croisés avec quelques vieux hippies bloqués dans un rêve doré vaut le coup d’œil. Pratique pour ses échoppes et internet cafés ouverts 24 heures sur 24, le quartier a littéralement matérialisé la surprenante faculté des Thaïs à comprendre et à satisfaire les besoins des Occidentaux. Tout y passe: contrefaçons à prix bradés, stands de nourriture et offres de massage s’y côtoient dans un joyeux chaos imbibé de bières locales.
Bien plus dépaysantes, les ruelles de Chinatown regroupent la nombreuse communauté chinoise de la capitale. Des étals aux couleurs inhabituelles et aux odeurs perturbantes entraînent les non-initiés dans un bazar des sens. Alors que les langues s’entremêlent au gré de négociations disputées, les cuisines ambulantes, montées à même l’armature d’un vieux vélo, viennent nourrir le petit monde de Chinatown. A leur passage, les plats de nouilles fumants fleurissent comme autant d’orchidées aux saveurs méconnues. Au détour d’une ruelle, la foule laisse place à une apparition quasi insuppor-table. Un homme se traîne à même le sol, amputé de ses deux jambes. A chaque ondulation, il pousse son gobe-let de mendiant, riche de quelques piécettes. Le temps de détourner le regard et de faire un pas de côté, il est comme avalé par l’incessant va-et-vient de la fourmilière.

Johan Rochel
Avec Delphine Hagenbuch