jeudi 26 novembre 2009

Le pardon difficile

Il n’est pas aisé de demander pardon. Dans son couple, avec ses amis, mais aussi à l’échelle des peuples et des nations, présenter des excuses et demander le pardon de l’autre est un chemin escarpé, aux ornières nombreuses.
Au cœur d’une expérience humaine complexe et plurielle, la reconnaissance de la faute commise représente certainement la principale difficulté. En acceptant l’erreur dont on porte une part de responsabilité, on se met à nu. Laissant de côté les fioritures dont on a cherché à emballer le passé, on va à l’essentiel : il y a eu faute commise et je le reconnais.

Faire ce pas, c’est se mettre sur un plan d’égalité avec la personne à qui l’on demande pardon. D’égal à égal, l’autre est vu et considéré dans sa blessure. Bien souvent, cette exigence de reconnaissance de la blessure passée forme le coeur des revendications des victimes. Les minorités opprimées, mais également cet ami vis-à-vis duquel on a mal jaugé les conséquences de nos actes, veulent plus que tout être reconnus comme blessés par des actions dont quelqu’un doit porter la responsabilité. Cette reconnaissance de la victime comme victime n’épuise toutefois pas la palette des demandes légitimes. Des contreparties matérielles sont bien souvent indispensables, offrant du même coup compensation pour les maux passés et correction d’injustices devenues parfois structures de société.

Si les excuses et la demande de pardon sont difficiles, l’acte de pardonner l’est certainement tout autant. Car celui qui accorde son absolution opère un changement de perspective radical. Il détourne son regard d’un passé qui, il y a peu, le retenait prisonnier. Dans son essence, son geste traduit une confiance en un retour des jours meilleurs. Fortement marquée par l’Allemagne nazie et l’expérience de la Shoa, la philosophe Hannah Arendt pensait que cette faculté de pardonner représentait l’un des pouvoirs fondamentaux de l’être humain. Selon elle, pardonner, c’est la faculté de fuir les rouages implacables d’une logique de cause et d’effet, dans laquelle la vengeance succède nécessairement à la faute. Le pardon est ainsi un acte libérateur, car il consacre l’infinie liberté de l’homme et lui offre une porte dérobée, à travers laquelle l’avenir peut s’écrire à nouveau.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

mardi 10 novembre 2009

Le ciel, la Suisse et les minarets

Ce n’est pas le lieu pour répéter les excellents arguments qui s’opposent à l’initiative anti-minarets. Le débat ne peut d’ailleurs se faire autour de simples constructions à caractère religieux, qu’on ne saurait affubler d’une prétendue volonté d’expansion violente. De manière logique et d’ailleurs si peu cachée, ce sont les Musulmans eux-mêmes qui sont visés par les initiants, qui peinent à dissimuler les relents islamophobes de leur entreprise. « Pour vivre heureux, vivez cachés » semble penser l’inénarrable Oskar.

Ce n’est pas non plus le lieu pour répéter que la Suisse n’a pas de problèmes avec ses habitants musulmans, dont plusieurs milliers possèdent d’ailleurs le passeport à croix blanche. De quoi grincer des dents lorsqu’on entend à longueur d’arguments opposer nationalité suisse et religion musulmane.

Le point le plus important de cette initiative nauséabonde pourrait bien être son inutilité complète. Car même si l’on venait à supposer qu’il y a un problème musulman en Suisse, qu’une islamisation rampante est à l’œuvre et que le communautarisme le plus crasse a d’ores et déjà ruiné notre Etat de droit – ce que je conteste avec véhémence – accepter l’initiative anti-minarets ne résoudrait rien. Nada.

Interdire les minarets ne peut d’aucune manière aider à stopper les prétendus terroristes barbus à l’œuvre dans les mosquées. Il y a même fort à parier que les extrémistes de tout poil sortiraient renforcés d’une telle initiative. A l’inverse d’une interdiction contreproductive, la ligne de conduite à adopter se résume à deux axes : faire respecter nos lois et encourager un dialogue ouvert et transparent avec les autres cultures. Les initiants n’ont-ils pas compris qu’une présence visible est indissociable d’une meilleure intégration et d’un devoir accru de transparence ?

Pas question de nier que des débats de fond doivent être menés, notamment sur les difficiles questions de port du voile ou d’intégration des Musulmans fondamentalistes. Mais cette initiative produit l’exact effet inverse : elle empêche la tenue d’un débat correct, porteur de solutions à long terme. Elle discrimine, stigmatise et blesse l’immense majorité d’une communauté qui ne demande rien de mieux que de vivre dans une paix confessionnelle. Quant aux autres éléments – les apprentis Bin Laden soi-disant présents sur notre sol – il faut les surveiller de près et agir le moment opportun. La preuve par l’acte : en 2003, le Valais a renvoyé un imam jugé potentiellement dangereux pour la paix confessionnelle. Puisse le peuple suisse faire le bon choix le 29 novembre.

Johan Rochel
www.chroniques.ch