Vue de Suisse allemande, l’actualité valaisanne
est marquée par des événements, des réactions, des prises de position qui, au
mieux, surprennent et au pire, dérangent. En cherchant un dénominateur commun,
l’observateur externe en vient à penser qu’il s’agit d’un problème de rapport à
l’Autre, à l’étranger. Les deux
constellations les plus paradigmatiques, à savoir l’affaire Weber et l’affaire
Varone, peuvent être analysées à l’aune de ce prisme.
La campagne et les suites de la votation Weber
ont montré la difficulté du Valais à se mettre à la place de l’Autre. Cet Autre
est ici Suisse, mais néanmoins étranger car il appartient à cette construction
de la Suisse des « citadins ». Dans l’affaire Varone, l’Autre prend
la forme plus classique de ce qui est non-Suisse, allant d’un système juridique
qui n’en a que le nom à des mœurs aussi incompréhensibles que stupides. Mais
dans cette affaire, l’étranger « suisse » est également présent sous
forme de médias trop entreprenants et d’esprits chagrins, venant fouiner les
habitudes du vieux pays.
Que faut-il déduire dans ce rapport très tendu
à l’étranger ? Comme dans toutes les exacerbations communautaires, il y a
négation des identités. C’est le règne du « nous » contre le
« eux ». La porte ouverte au Valaisan des clichés, que l’on élabore
différemment au gré des situations : tantôt anti-écolo, tantôt anti-turc,
toujours fermé et rebelle. Une logique de blocs granitiques irréconciliables se
met en place. Dans cette logique, plus de place pour le quart de votants
valaisans qui ont soutenu Weber, plus de place pour les médias critiques face à
l’attitude d’un magistrat, plus de place pour un Pascal Couchepin demandant des
garanties. Les individualités disparaissent au profit d’une majorité à l’esprit
grégaire et à la vue bien courte.
Cette négation des identités s’accompagne d’un
discours victimaire que l’on n’a d’autre choix que de boire jusqu’à la lie.
Remettre la faute sur le « eux », c’est nier l’apport bénéfique de
cet Autre. La logique victimaire et identitaire n’autorise pas les
demi-mesures : la Suisse « citadine » est soit avec le Valais,
soit contre lui. Comment dès lors réconcilier et penser ensemble la péréquation financière et les
avantages que le Valais en tire avec le vote sur l’initiative Weber ? La logique à l’œuvre ne le permet pas :
soit avec, soit contre. Quant aux responsables, ils ont bien sûr tout intérêt à
cette prétendue unité dans l’adversité. Sitôt que cette fiction apparaîtra pour
ce qu’elle est, une discussion rationnelle sur les fautes commises par certains
pourra débuter.
Mais la logique victimaire et identitaire a une
conséquence encore plus néfaste : elle oppresse toute capacité de
résilience. L’accusation fallacieuse et la flagellation prennent le pas sur l’innovation
et les solutions. Comment (oser) repenser le futur ? Il n’y a d’autre
choix que de s’engager sur le chemin de l’exercice démocratique véritable. Pas
celui qui isole, mais celui qui prend acte que le Valais est membre d’un Etat
fédéral, lui-même est au cœur de l’Europe. Pas celui de la voix unique, mais
celui de canaux d’informations qui relaient la diversité et la complexité. Pas celui de l’esprit grégaire, mais celui
qui cherche à intégrer et à encourager – et non pas à tolérer – les opinions
critiques et dérangeantes.
Johan Rochel
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