dimanche 27 avril 2008

Tout interdire ?

Notre liberté est-elle en danger ? Les soi-disant adversaires du politiquement correct ne manquent en tous les cas pas une occasion de fustiger la multiplication des interdits et des pressions sociales. A les écouter, la société semble sur le point de nous enchaîner corps et âme.
Leur discours fait toutefois fausse route sur au moins un point. Il semble en effet ne pas être correct de rassembler plusieurs types d’interdits, puis de les dénoncer in corpore. Chaque interdit doit être pris pour lui-même, et sa justification passée au crible de la critique. Prenons deux exemples discutés actuellement.
La cigarette est bannie des lieux publics car elle nuit à la santé du fumeur mais également à la santé d’un tiers. C’est la deuxième partie de l’argument qui permet de justifier l’interdiction. L’action que je décide librement ne regarde en aucun cas l’Etat ou une autre autorité (mon patron par ex.), tant que je n’influe pas sur le bien-être de mes voisins. A n’en pas douter, cette frontière entre nuisance personnelle et nuisance infligée à un tiers n’est pas aussi hermétique que l’argument le suppose. Le cas de la cigarette est toutefois suffisamment clair pour justifier une interdiction.
Il en va tout autrement de l’exemple de la stigmatisation des personnes en surpoids, et de l’éventuelle interdiction de certains aliments. Le comportement personnel ne nuit pas de manière directe à un tiers. Aucune interdiction de type « cigarette » n’est donc justifiable ici. Même si les moralisateurs de tout poil tentent de présenter un argument en terme de santé publique, la relation entre comportement personnel et nuisance envers autrui est loin d’être aussi directe qu’avec la cigarette. En effet, ne sommes-nous pas toujours le « mauvais risque » d’un tiers ? Celui-ci fait du sport et se blesse, celui-ci fume, celui-là mange trop gras ou boit trop de café : impossible d’interdire tous les comportements à risques sans entraver de manière insupportable nos libertés personnelles.
A l’inverse, inutile de verser dans un laisser-faire extrême, remettant en cause la relation de solidarité que différentes institutions ont tissé entre les individus, à l’exemple de l’assurance-maladie. A ce titre, on notera que l’argument présenté ici n’est pas incompatible avec un effort de sensibilisation du grand public. Loin d’être limité dans sa liberté, le citoyen éclairé est à même de prendre une décision réfléchie.
Que les détracteurs des interdictions concentrent donc leur lutte sur les exemples du deuxième type. C’est là que le combat pour les libertés doit avoir lieu.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

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