vendredi 29 octobre 2010

Lettre ouverte aux partisans de l’initiative pour le renvoi

Sensibles à la question de la criminalité, vous envisagez de donner votre voix à l’initiative pour le renvoi des étrangers criminels. La sécurité de chacun est un bien inestimable et il est légitime de chercher à la sauvegarder. A ce titre, il existe des raisons suffisantes pour vouloir renvoyer un étranger ayant commis un délit très grave. Les initiants se gardent bien de le clamer haut et fort, mais le droit actuel permet déjà les renvois (750 en 2009, selon la Commission fédérale pour les questions de migration).

Si nous sommes d’accord sur ce principe, deux fossés semblent néanmoins nous séparer. Premièrement, se pose la question de savoir ce qu’est précisément un délit très grave. Ou tirer la limite entre qui reste et qui part ? Sur ce point, l’initiative proposée par l’UDC frôle le travail d’amateurs, tant la liste des délits ne semble répondre d’aucune logique. Notre Constitution mérite-t-elle un catalogue si arbitraire et émotionnel ? La perception abusive de l’aide sociale est-elle vraiment aussi grave qu’un viol ? La discussion sur l’opportunité d’ajouter de nouveaux délits – à l’exemple des chauffards – a montré une étrange compréhension de l’instrument de l’initiative populaire. Le peuple vote en quelques sortes un chèque en blanc, qui sera ensuite manipulé à l’envi. A n’en pas douter, le contre-projet direct du Parlement fait montre d’une plus grande logique, couplant le renvoi à la gravité de la peine reçue, et non à la sorte de peine. L’arbitraire est évacuée au profit d’une plus grande sécurité.

Deuxièmement, il importe de se demander si le renvoi doit toujours l’emporter. C’est une réalité peu connue mais nombre de renvois sont tout simplement impossibles, avec ou sans initiative. Ces renvois buttent sur des écueils pratiques : impossibilité de déterminer la nationalité de la personne, refus du pays hôte de reprendre son ressortissant ou alors situation de chaos total dans le pays en question (ex. Somalie). A ce titre, les promesses de l’initiative sont purement mensongères et il est illusoire de croire que la Suisse décide seule sur la question des renvois. Elle n’a d’autre choix que de collaborer.

De manière plus fondamentale, il y a des raisons légales et morales de ne pas renvoyer quelqu’un. La Suisse devrait-elle renvoyer quelqu’un vers la torture ? Le renvoi devrait-il frapper de la même façon un père de famille avec enfants à charge et un jeune homme de 19 ans ? Je suis convaincu que le renvoi n’est légitime que si la proportionnalité de la mesure peut être vérifiée et que si le droit international est respecté. Mais voilà, l’initiative que vous soutenez ne fait pas dans la dentelle : le renvoi automatique ou rien. Sur ce point, le contre-projet est également infiniment meilleur, lui qui permet de respecter nos principes fondamentaux et le droit international.

Préférez le contre-projet à cette initiative inefficace, dangereuse et profondément contraire à nos intérêts. Dans l’espoir d’un pays respectueux des principes qui ont fait son succès, mes salutations les meilleures.

Johan Rochel

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