lundi 19 avril 2010

Vous verrez: à force de répéter...

Comme j’ai tenté de le montrer dans la dernière chronique, les démocraties avancées entretiennent un rapport ambigu aux droits de l’homme. Ils semblent n’être d’actualité que pour l’étranger (comprenez les pays pauvres et/ou autoritaires) ou pour les étrangers (comprenez les émigrants). Pour la Suisse, cette ambiguïté confine presque à un drame identitaire. Car pour bien des concitoyens, la Suisse incarne les droits de l’homme: elle se définit par et pour eux. Ainsi va la vieille rengaine officielle. Vu que l’heure est aux explications historiques – voyez la figure paternelle de feu le Général – cette mythologie des droits de l’homme mérite également son éclairage critique.

La Deuxième guerre mondiale fut un choc pour l’ensemble de la communauté internationale. Sans tarder, elle prit des dispositions afin d’empêcher de futures exactions. Les Nations-Unies, la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais également les préludes de l’Union Européenne (la Communauté du charbon et de l’acier) et la Convention européenne des droits de l’homme voient le jour dans l’immédiat après-guerre. A l’inverse de la communauté internationale, la Suisse de l’après-guerre n’agit pas sur le mode de la rupture, mais bien sur celui de la continuité. Sous l’influence du mythe constitutif du « Sonderfall », elle observe ces développements internationaux avec suspicion - pour ne pas dire rejet.

Les débats parlementaires sans fin sur l’opportunité d’adhérer au Conseil de l’Europe et de ratifier la Convention européenne des droits de l’homme font ressortir à merveille les idéaux constitutifs de la Suisse moderne : souveraineté et neutralité absolues. L’étude publiée par Jon Fanzun en 2005 – intitulée « Les frontières de la solidarité » - en apporte les preuves: la Suisse comme pays des droits de l’homme est un mantra, une rengaine répétée à l’envi dans le discours public. Dans ses engagements internationaux, la Suisse n’a jamais été cet élève modèle des droits de l’homme. Et cela contraste avec son engagement en faveur du respect du droit humanitaire, où elle marche depuis un siècle et demi sur les traces d’Henry Dunant.
Nouvelle réjouissante, depuis une vingtaine d’années, la Suisse tente de rattraper son retard. Elle retombe toutefois sur les tensions persistantes qu’elle ne veut (ou ne peut) résoudre : son rapport à la démocratie directe et sa conception surannée de la souveraineté absolue, ainsi que le rapport conflictuel entre neutralité et solidarité internationale. L’urgence à résoudre de manière durable ces tensions s’impose dans le débat politique. A l’ouvrage !

Johan Rochel
www.chroniques.ch

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