jeudi 8 avril 2010

Des droits pour qui ?

Les droits de l’homme sont pris dans une étrange dynamique. Sur le plan international, le respect des droits de l’homme tend à s’imposer comme un étalon de légitimité. Le cahier des charges est vaste, les défis immenses, les dangers omniprésents. Mais la cause progresse : les Etats voyous, les criminels de guerre et les entreprises peu scrupuleuses sont voués aux gémonies – et parfois condamnés ! - à l’aune des droits qu’ils violent au jour le jour.

Sur la scène nationale, osons parler d’un sérieux déficit en terme d’image. Déficit de sensibilisation tout d’abord, tant la question même des droits de l’homme semble avoir été réglée avec succès dans nos contrées. Cette perception tronquée reflète en grande partie des lacunes immenses en matière d’éducation aux droits de l’homme. Pensez au parcours standard d’un écolier suisse : les futurs citoyens ont-ils une seule fois l’occasion d’appréhender cette matière ?

Ce problème de sensibilisation est également à mettre en lien avec notre perception des droits de l’homme. Pour donner dans les clichés, on parlera d’une violation de droits de l’homme seulement dans le cas banal du demandeur d’asile débouté, criminel, musulman et abuseur de l’aide sociale (cela va de pair). On peut pointer du doigt, à raison, l’éducation déficiente et un discours public facilement enclin à thématiser les droits humains dans des cas très précis.

L’explication est toutefois un peu courte. Une certaine frange politique entretient ce profond scepticisme. De manière ouverte et de plus en plus systématique, cette frange joue avec les limites des droits de l’homme tels qu’ils sont ancrés dans notre Constitution et dans les traités internationaux fondamentaux. Dernière trouvaille en date : les droits de l’homme seraient contraires à notre démocratie !

Contre cette vague réactionnaire, il faut rappeler sans relâche quelques fondamentaux. Les droits de l’homme, même dans un pays comme la Suisse, importent pour tous. Ils protègent contre les dérives de l’Etat et de son appareil administratif et garantissent l’accès à des services et prestations de base. La cour de Strasbourg est un acquis inestimable : chaque citoyen du Conseil de l’Europe peut y faire valoir ses droits et attaquer en justice son propre Etat devant des juges internationaux ! Et à tous ceux qui dénoncent des juges « étrangers », rappelons que les citoyens ont démocratiquement ratifié la Convention européenne des droits de l’homme et que nous sommes le seul pays à posséder deux juges à la Cour.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

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