vendredi 19 février 2010

Lettre ouverte à un jeune retraité

Le grand cap ! Depuis janvier, te voici à la retraite, après plus de quarante ans au service de l’industrie chimique montheysanne. A l’autre bout de la chaîne, à l’orée de ma vie professionnelle, j’observe ce parcours de vie avec un brin de nostalgie. Ma génération ne travaillera plus sa vie durant au même endroit, au service d’une entreprise à laquelle on cherche à s’identifier. Les nouveaux mots d’ordre de mobilité et de flexibilité ont pris le pas sur un parcours où primaient la continuité et la régularité. Le site chimique s’est fait le reflet de cette évolution. Bientôt au mur, des clichés couleur sépia.

Faut-il pour autant verser une larme et faire le vœu d'un retour au bon vieux temps ? Je n’aime guère cette triste rengaine. Mais à quoi bon le nier ? C’est un modèle qui passe, ouvrant vers un avenir encore incertain, dont on ne sait s’il amènera des temps aussi dorés que ceux de ta génération. Comme tous les bouleversements d’un ordre établi , il ne manque de provoquer ce petit pincement au cœur si caractéristique.

Passé les souhaits de bonheur et les plaisanteries entendus, la retraite, toute de potentialités, a quelque chose d’effrayant. L’angoisse d’une nouvelle page. Mais celle-ci ne serait pas tout à fait blanche, tant l’ambiance générale semble être aux retraités hyperactifs : sportifs confirmés, bricoleurs assidus, généreux mécènes de leur temps pour la collectivité et grands-parents attendris devant la génération montante pour les quelques heures restantes. Volontiers à rebours d’une société qui se nourrit de projets incessants et de projections vers l’avenir, tu aspires pour l’heure à te reposer et à mettre un peu d’ordre dans tes pénates comme dans ta tête.

J’ai souhaité marquer ce passage à la retraite en t’offrant un livre. Et quoi de mieux que l’ouvrage « La vie est belle » du stoïcien Sénèque ? Lui qui urge les hommes, sans cesse affairés dans de multiples et futiles activités, de retrouver la voie d’un loisir authentique. Un temps fait d’ouverture et de disponibilité à la sagesse véritable, loin des efforts de quantification et de maximisation d’une vie qui passe inexorablement. « Le premier indice d’une âme bien équilibrée est, selon moi, de savoir se fixer et séjourner avec soi » écrit Sénèque dans ses « Lettres à Lucilius ». Une approche que tu sembles avoir fait tienne. Prometteur.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

Aucun commentaire: