samedi 9 mai 2009

A travers la Suisse primitive

La proposition sonne peut-être peu exotique : profiter d’un week-end pour s’en aller découvrir la Suisse primitive. Le temps de boucler quelques bagages…Et l’aventure semble commencer par cet étrange terme. Primitive, comme pour dire tantôt la naissance fantasmée d’un destin suisse, plus tard sanctifié par le credo du Sonderfall, ou tantôt pour capturer un esprit suisse fugace, fondement de ce que Kaspar Williger appelle une « nation de volonté » dans son dernier opus.
En embrassant le canton d’Obwald depuis le col du Brünnig, on se sent comme aspiré vers la beauté légèrement inquiétante du lac des Quatre-Cantons. La Suisse dans ses clichés les plus purs et les plus fondateurs, entre goût du bien ordonné, de la tranquillité et d’un conservatisme politique déroutant l’étranger.
Mais cette terre envoûtante ne saurait se réduire à ces poncifs. Depuis des siècles, les héros de notre imaginaire national vivent dans ces contrées. Le pas hésitant, on retourne aux sources, comme auprès des siens le temps d’un court périple. Du Winkelried de Stans au Guillaume Tell d’Altdorf, nombreux sont les mythes fondateurs de notre confédération qui trouvent là-bas un décor fabuleux.
Mais c’est la petite prairie du Grütli, à peine visible depuis les bords du lac, qui concentre en elle toutes les projections d’un peuple. Ce serait mentir que de nier toute émotion à l’approche de cet endroit paisible, comme enfermé dans un monde de verticalité, reliant ciel et lac. En bateau au départ de Brunnen, la rencontre se fait tout en douceur. Quelques animaux et un drapeau à croix blanche accueillent les visiteurs du jour. Sur place, le cérémonial cède sa place à une retenue tout helvétique. D’ailleurs, l’unique petit musée est fermé pour cause de rénovation.
Défiant les vagues du lac, le monument dédié au poète allemand Schiller rappelle que l’endroit est célèbre seulement depuis le 19è siècle. En des temps où le sentiment national naissant et peu sûr immortalisa un pacte de collaboration régionale jusqu’alors inconnu en certificat de naissance de la Confédération. Qui d’ailleurs n’a pas confondu les vers romantiques de Schiller avec le texte original ? « Et nous serons un peuple de frères, que nul malheur et nul danger ne séparera… »
Face à nous, l’autoroute menant à Andermatt et au Gothard rappelle également l’importance stratégique de cette région. Voie escarpée vers les pays reculés du Valais ou des Grisons, mais surtout voie royale vers le Sud. Levant les yeux au ciel, dans un vertigineux mouvement d’élévation, la conclusion apparaît soudaine et inévitable : nous sommes ici au cœur de l’Europe, à la croisée des chemins historiques et du destin d’un peuple.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Eh bien! me voila (déjà ).
Pour dire que c'est trés bien.
Paroles de grand-mère!
Sans parti pris...
Et de toute tendresse!
Miette
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