dimanche 2 mars 2008

Thomas Minder et la justice sociale

Thomas Minder a réussi son pari : dans les délais impartis, il est parvenu à récolter près de 120'000 signatures pour son initiative contre les rémunérations abusives. Celle-ci exige notamment plus de possibilités de contrôle confiées à l’AG, ainsi que l’interdiction des parachutes dorés.
Si l’initiative a connu un relatif succès, c’est certainement parce qu’elle corrobore une intuition que beaucoup partagent : la situation actuelle des hauts managers déplait sous plusieurs aspects. Tout d’abord, la notion de mérite semble ne plus être en mesure d’expliquer de criantes disparités. Sur ce point, le cas Marcel Ospel ne cesse de provoquer des interrogations. Si l’on admet qu’il mérite son salaire lorsque les affaires vont bien – ce que beaucoup contesteront déjà -, comment justifier ce même traitement lorsque le business prend l’eau ?
Quel critère pourrait nous permettre de délimiter là où commence l’injustice ? On semble prêt à accepter l’existence d’inégalités, dans la mesure où celles-ci sont à l’avantage de tous. En plus de la notion de mérite, c’est une intuition de ce type qui nous pousse à dire que le salaire de Marcel Ospel est injuste. En effet, possède-t-il des effets positifs pour la société en générale, et les plus mal lotis en particulier ?
Peu de gens professent aujourd’hui un égalitarisme brutal, où les avoirs de chacun devraient être strictement égalisés. En tolérant certaines inégalités, nous faisons le pari que le niveau de vie de l’ensemble de la société augmente. C’est cette idée qui forme le cœur de la pensée du philosophe John Rawls, présentée dans son maître ouvrage Une théorie de la justice (1971). Selon lui, il doit exister une relation de type équitable entre les extrêmes de l’échelle sociale. Le groupe le plus haut placé peut s’enrichir tant qu’il le souhaite, si tant est que ces disparités favorisent d’une manière ou d’une autre le groupe situé à l’autre extrême.
On peut comprendre l’initiative de Thomas Minder dans un sens semblable. Les hauts salaires ont perdu tout sens des réalités et n’apportent en aucune manière un plus à l’actif des plus défavorisés. Le système doit alors être réformé, afin que le critère de justice sociale comme équité retrouve une place qui lui est due.
Johan Rochel

2 commentaires:

fabien girard a dit…

salut à tous!
réponse pas du tout dans le sujet... et surtout par une question!

A quand des salaires relatifs au travail et aux prestations fournies (et pas à l'offre/demande)?

Il y a qqch qui cloche chez moi: les grands patrons se tirent la bourre pour réaliser le plus de bénéfices et ainsi augmenter leurs bonus.
Pour réaliser ces bénéfs, ils liment sur les échelons inférieurs: salaires des employés, prix des produits, pour leur seul bonus.

C'est peut-être une vision simpliste, mais j'arrive tout simplement pas à imaginer une activité qui rapporte 72 852.-/ Jour (!!!!! ouf, plus maintenant!)

sinon je bosse volontiers 1 jour par an à sa place... (ou 60 jours et je pars à la retraite ;-).

salutations à tous!

Johan Rochel a dit…

Salut Fabien,
Merci pour ta réaction. Les questions sont la plupart du temps plus "challenging" que les longs discours.

Deux points en guise de réaction pour ma part.
Tout d'abord ton deuxième point, je crois être d'accord avec toi pour dire que la relation entre réalité et chiffres (par ex. salaires et travail réalisé, salaires et risques pris,...) n'est plus explicable. De là, un sentiment très étendu que quelque chose de moralement injustifié est à l'oeuvre.

Concernant les salaires relatifs au travail et aux prestations fournies. Il faut se méfier de vouloir avancer dans cette direction.
Prenons un exemple. D'après cette idée, une personne gagnerait toujours le même salaire si elle réalisait toujours le même travail. On ferait alors abstraction de son utilité pour le reste de la société, pour les consommateurs: bref, pour tous ceux qui interagissent d'une certaine façon avec elle. En effet, cette utilité s'exprime au travers du libre jeu de l'offre et de la demande.

Un tel mécanisme - offre et demande jouant de manière plus ou moins libre - offre toutefois la garantie que les choses les plus "utiles" (à vrai dire, les plus démandées) seront les plus motivantes à produire. Pour celui qui produira le bien X très recherché, le revenu qu'il pourra en tirer sera très intéressant.
Le contraire s'applique aux choses que personne ne souhaite consommer: leur producteur perd de l'argent.

Directement en rapport avec ta question, deux problèmes majeurs sont à résoudre:
- qui peut garantir que les salaires seront strictement fonction de l'objet produit (indépendamment de son utilité) ? Qui peut fournir ce salaire ?
- si l'offre et demande ne jouent plus, tu te trouves dans une position d'économie dirigée par une quelconque autorité supérieure. Avec la foule de problèmes que cela entraîne...