vendredi 14 mars 2008

21, et profondément humain

A Jean-Charles,

Cette année, la journée mondiale de la trisomie tombe précisément Vendredi Saint. Marquer cette date me tient à cœur, puisque j’ai la chance de partager ma vie familiale avec un oncle trisomique. L’occasion est belle de lui rendre un petit hommage.
Je dis chance, car côtoyer une personne trisomique est peut-être le plus extraordinaire révélateur des petits miracles que compte le quotidien. Une façon unique de percevoir le monde qui les entoure, une sensibilité qui ne laisse pas de place à la fausseté au sein des échanges humains, une manière franche d’exposer ses craintes ou envies. Bref, vivre auprès d’un trisomique, c’est prendre le risque permanent d’un regard différent. A n’en pas douter, c’est parfois douloureux, et toujours exigeant.
Observer la vie d’un trisomique, c’est également reconnaître que notre société n’est pas aussi inhumaine que certains voudraient le croire. Depuis sa naissance, mon oncle est soutenu par l’Etat, au travers du fond AI mais également via la mise à disposition d’infrastructures nécessaires à son plein développement. Et pourtant, mon oncle met en échec les raisonnements qui voudraient associer aide sociale à une quelconque « utilité ».
Visitez la Castalie ou le centre de la Meunière, et observez la vie qui s’y déroule. Ces personnes sont-ils utiles à la société ? Si non, méritent-elles vraiment l’aide qui leur est accordée ? La question ne doit pas être posée en ces termes, et c’est l’entier de la perspective qui doit être repensée. Notre société accorde son soutien à des personnes trisomiques non en tant qu’ils sont utiles, mais en tant qu’ils sont des êtres humains. A ce titre, ils possèdent un ensemble de droits, dont le premier leur garantit la possibilité de vivre une vie digne.
Depuis maintenant quelques années, un groupe de trisomiques travaille au centre Coop de Collombey. L’initiative mérite d’être louée, si tant est que les idées qui l’inspirent s’appuient sur une juste base. En effet, affirmer qu’ils travaillent et qu’ils sont de ce fait utiles à la société serait loin de servir la cause des trisomiques. Ils ont le droit d’être soutenus sans calcul d’utilité. A ce titre, considérer leur travail comme une extension d’un droit à l’intégration permet de rendre pleinement compte de leur statut d’être humain.
L’exemple particulièrement frappant des trisomiques se laisse bien sûr étendre à tous les membres de la société. Tous ont droit à un respect des droits fondamentaux, abstraction faite de tout ce qu’ils apportent ou n’apportent pas à la société.

Johan Rochel

3 commentaires:

Unknown a dit…

Depuis l'acquisition de mon maigre bagage économique, je comprends enfin pourquoi mes poils s'hérissaient si souvent. Une réaction épidermique d'auto-défense par rapport à un sentiment d'injustice injustifiable par manque d'outils argumentatifs qui me fait aujourd'hui sourire. Il me semble en effet qu'il serait bon parfois de reculer d'un pas pour ne pas oublier l'ensemble de cet exercice de pointillisme.

Peut-être devrions-nous nous engager dans une vaste campagne de vaccination, afin d'injecter quelques rappels aux grands James de Wall Street et d'ailleurs sur l'essence de l'économie. Cette science de l'ACTION HUMAINE qui "a pour objet d'étude non seulement des biens physiques mais également des COMPORTEMENTS, des RELATIONS et des SOCIÉTÉS. Les objets physiques sont des biens et des services. Ils sont offerts dans la production et demandés dans l'échange, ils sont porteurs d'utilité. Mais la production et l'échange sont des ACTIVITÉS. Elles se réalisent selon des procédures marchandes ou NON marchandes dont les règles sont déterminées par les PERSONNES. Tel est le cas par exemple du travail dont les formes et les rémunérations ont un caractère SOCIAL et HISTORIQUE. L'intervention des règles déterminées par les PERSONNES change la portée des lois de la nature en économie."
("Histoire de la pensée économique" de JJ. Friboulet, p.5)

Voilà de quoi méditer en regardant le dollar chuter!!
Belle journée.

Unknown a dit…

P.S: il y a un module de master (30 crédits) en "éthique politique" axé en partie sur la question de la justice qui ouvrira cet automne à Fribourg... j'ai pensé que l'information pouvait t'intéresser.

Anonyme a dit…

Que dire si ce n'est : félicitations pour ton texte! Superbe