mardi 12 février 2008

Histoire (d'éducation) sexuelle

Au cours de leur scolarité, les bambins valaisans reçoivent par trois fois des cours d’éducation sexuelle (4ème et 6ème prim., 2ème du cycle). Depuis la rentrée 2007-2008, ces cours sont dispensés par deux partenaires : les centres SIPE (sexualité, information, prévention, éducation) et l’AVIFA (assoc. amour-vie-famille). Selon le département de l’éducation, les deux partenaires répondent aux trois exigences nécessaires pour devenir un interlocuteur officiel des écoles : être reconnu par le département, posséder des intervenants formés en santé sexuelle et respecter un programme cantonal précis. Libre ensuite aux communes de choisir avec quel intervenant elles souhaitent collaborer.
Tout va donc pour le mieux ? Non, répond l’auteur de cette chronique. Avancer dans cette direction, c’est revenir à un autoritarisme moral et à des menaces pour notre liberté.
Faisons donc à nouveau les présentations. D’un coté, les centres SIPE sont affiliés à une structure nationale, disposent d’une formation spécialisée dans les universités et HES suisses et d’une reconnaissance sur le plan international. De l’autre coté, l’AVIFA propose un enseignement basé sur une éthique chrétienne, disposant de plusieurs sections cantonales et d’une formation de quelques semaines dispensées à Paris dans le nébuleux « Centre de liaison des équipes de recherche sur l’amour et la famille ». Afin de se donner une idée du type de formation dispensée à Paris, le lecteur soucieux d’en apprendre plus se rendra sur www.cler.net ! Il n’est pas au bout de ses surprises, sur un site où l’on prétend que la méthode dite « naturelle » est un moyen fiable de réguler les naissances.

Se pose maintenant une question essentielle : qui est autorisé à dispenser un enseignement dans les écoles valaisannes ? Une éducation doit se présenter sous l’aspect le plus neutre possible, particulièrement sur le plan moral. En effet, tout contrôle extérieur est rendu difficile vu que l’enseignant quitte la salle durant le cours d’éducation sexuelle, afin de permettre aux élèves de s’exprimer librement. La prudence maximale est donc de mise.
Où réside la justification de cette exigence de neutralité morale ? Nos sociétés occidentales font jour après jour l’expérience du pluralisme, c’est-à-dire que personne n’est légitimé à imposer ses vues morales ou sa définition d’une vie « bonne ». Dans les limites du cadre légal, chacun est libre de poursuivre l’existence qu’il a choisie. Sur cette question, il est certain que les centres SIPE ne dispensent pas un enseignement neutre – cela reste un but idéal – mais il est en tous les cas plus neutre que celui de l’AVIFA.
Un enseignement a pour but de donner des clefs aux enfants et ados afin qu’ils appréhendent de la meilleure manière leur sexualité. Comment considérer l’AVIFA quand elle parle de contraception en ces termes : « il y a les préservatifs, mais il y a aussi d’autres solutions, comme l’attente ou la fidélité », dixit Nicole Délitroz, présidente d’AVIFA Valais. Sans porter un jugement de valeur sur cette situation, qui peut honnêtement se présenter devant une classe de 2è du cycle et vouloir toucher la majorité des élèves en prônant l’abstinence ? Comment parler d’homosexualité en se réclamant de schémas de pensée où celle-ci est encore décrite comme une déviance, presque une pathologie ?
L’AVIFA vit dans un autre monde, s’accrochant à une rigidité morale d’antan. La distance entre la réalité et son discours a pris des proportions alarmantes. C’est son droit le plus strict que de s’accrocher à ce discours, ce n’est pas son droit que de venir l’imposer aux jeunes valaisans. A mon sens, une formation doit se trouver à mi-chemin entre la sexualité telle qu’elle est vécue au quotidien par les jeunes et des normes trop strictes. Non pas que l’enseignant doive délaisser toute notion de morale, mais son discours doit éviter de stigmatiser des pratiques que lui estime déviante. C’est en ce sens qu’il respecte une certaine neutralité morale. Il encourage la responsabilité des élèves, tout en considérant la liberté de chacun de manière absolument prioritaire.

Il est également possible de prendre le problème sous un autre angle. Quelle différence y a-t-il entre l’AVIFA et un autre groupe privé ? Prenons un exemple extrême, qui j’espère ne froissera personne. Si l’association d’éducation sexuelle musulmane (pure invention) jouissait du droit d’enseigner dans nos écoles, cela soulèverait-il un véritable tollé ? Et pourtant, quelle différence avec l’AVIFA ? Ses partisans répondront que l’éthique chrétienne qui inspire leur enseignement jouit d’une longue tradition en terres valaisannes. Effectivement, cette tradition peut être considérée comme une richesse tant qu’elle ne devient pas une entrave à la liberté de l’ensemble des citoyens valaisans. Comment peut-on accepter que, sous couvert de l’Etat, un tel enseignement soit imposé à des enfants de personnes d’origine culturelle différente ou ne partageant pas une foi chrétienne ?

Johan Rochel

3 commentaires:

Fabien a dit…

Salut!
Tout d'abord, merci de nous faire partager ces fruits de tes reflexion sur la toile. C'est toujours enrichissant que de pouvoir lire ce genre de chronique.

Je dois dire que sur ce coup, je n'ai pas grand chose à ajouter, si ce n'est qu'en effet, l'Etat ne semble pas avoir joué un coup de maître sur ce dossier. Ca fait en effet un peu amateur comme démarche. Combien même l'Etat du Valais n'est pas laïc (enfin, je crois), le cas de la sexualité chez les jeunes, et le problème des mst, ne sont pas des choses à prendre à la légère! Le préservatif est le seul moyen de se protéger, si ce n'est contre les bébés, des maladies.
Enfin, l'abstinence aussi...Mais illusoire, pour la plupart des jeunes...

Anonyme a dit…

Comme tu l'as dit toi même par rapport à la neutralité: cela reste un but idéal.
Si ces groupes qui bossent dans l'éducation sexuelle existent c'est justement par ce qu'ils ont une idée bien précise du problème, et éventuellement un message à passer.

Que le professeur n'assiste pas au cours semble évidemment nécessaire...
Alors quel contrôle envisager?
- Une personne indépendante qui accompagne l'éducateur?
- Un éducateur de chacun des groupes qui travailleraient ensemble?
- Une évaluation du cours faite par les élèves à l'attention de la direction de l'école?
- ...

Anonyme a dit…

Je viens de faire un saut sur le site du CLER. Après avoir lu le premier article en vue intitulé "Pour avoir la paix je prends la pilule" il me semble inutile d'en lire un deuxième...

Je n'ai rien contre ce qu'ils disent mais il faut savoir trier l'information à grand coup de pelle à neige pour n'en retirer qu'une question philosophique.

Dur dur quand on a 10ans!

Moi je vote pour lolo à la tête de l'éducation sexuelle valaisanne :-)