Pourquoi se donner la peine de lire un énième billet d’opinion sur les
élections au Conseil fédéral du 14 décembre ? Les pronostics relèvent de
la charlatanerie et les réflexions plus abouties sur l’avenir de la concordance
n’ont que peu souvent voix au chapitre. Que retient alors le grand public de
ces tractations obscures, de ces arrangements de coulisse et de ces coups de
couteaux – fort longs – lâchés dans l’ombre de l’amitié politique ? Pour
beaucoup, c’est l’image d’un Parlement aux airs de cour d’école qui s’impose. La
rumeur gronde et la vénérable institution démocratique se retrouve sous les
feux croisés des critiques. Ces voix relèvent parfois d’une attention
démocratique fort à propos : les citoyens méritent d’être informés sur les
choix des élus bernois.
Mais la critique adressée au Parlement est plus profonde que ces
élections au Conseil fédéral et ses motifs peut-être moins nobles. A bien
des égards, c’est la distinction entre légitimité directe et indirecte qui est mise
sous pression sous couvert de la toute-puissante démocratie directe. Pour bien
des détracteurs du Parlement, la légitimité de tout acte politique – nouvelle
législation, choix de personnel, élection des 7 « sages » - se mesure
à l’aune du peuple. Lui seul semble capable de dispenser l’onction
démocratique. Quelle belle image
d’Epinal que le peuple assemblé, décidant sans intermédiaire de ses conditions
de vie ! Si l’appel à la Landsgemeinde nationale n’est pas loin, cette
vision de la démocratie directe participe également d’un mouvement visant la
« classe politique ». Définie par opposition au peuple – et non comme
assemblée de représentants élus – cette classe de magouilleurs est alors
présentée comme une entrave à la démocratie.
Mes critiques décriront une interprétation exagérée. Néanmoins, deux
initiatives populaires visant à changer les compétences du Parlement devraient
nous inciter à prendre au sérieux ce développement. Premièrement, l’élection du
Conseil fédéral par le peuple renvoie directement à ce mouvement
« anti-Parlement ». L’Assemblée fédérale, composée de parlementaires élus
dans les cantons, se voit émasculée de sa compétence de choisir l’exécutif. C’est
tout l’assemblage institutionnel qui doit alors être repensé. Deuxièmement, l’initiative
« Les traités internationaux devant le peuple » – sur laquelle le
peuple votera en juin 2012 – veut soumettre de nouvelles catégories de traités
internationaux au choix populaire. Pour l’heure, le Parlement fonctionne comme
instance de légitimation, le peuple pouvant faire usage du referendum
facultatif au besoin. A nouveau, la légitimité du Parlement est remise en cause
au profit d’un lien plus direct. Cette tendance est-elle réjouissante ?
Faut-il s’en prémunir ? Ces questions demandent une analyse autrement plus
poussée – commençons par mettre le doigt sur cette tendance.
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Johan Rochel
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