lundi 14 mars 2011

Hongrie-Maghreb, et retour

Une photo comme sortie d’un autre temps. Des adultes offrant aux enfants un petit présent. Et la légende, d’une clarté dérangeante à plus d’un demi-siècle de distance : « A Buchs, les enfants réfugiés hongrois reçoivent un cadeau de bienvenue en Suisse.»
On aura beau clamer que comparaison n’est pas raison, la juxtaposition de ces photos sépia et des premières pages de nos quotidiens laisse songeur. Après l’accueil chaleureux de près de 12'000 réfugiés hongrois en 1956, suivis de près par les Tibétains, les Tchécoslovaques, les Chiliens et les boat people vietnamiens, comment expliquer les réactions timides face au Printemps arabe ? Comment expliquer le silence presque bruyant des politiciens de tout bord ? Comment expliquer que l’enthousiasme des médias a cédé sa place aux peurs face à l’arrivée de vagues massives de (prétendus) réfugiés ?

Face à l’urgence de la situation, ces réflexions historiques nous rappellent surtout l’importance d’affirmer des convictions morales fortes. En différenciant les priorités morales des questions de faisabilité pratique et politique, la portée exacte de nos responsabilités apparaîtra plus clairement.
En tant que pays se revendiquant d’une tradition d’asile centenaire, la Suisse se doit d’assurer un accueil digne et humain à toutes les personnes fuyant les persécutions. Un examen individuel des demandes d’asile et le respect des procédures de recours sont les conditions sine qua non d’un accueil digne d’un Etat de droit.
De plus, il est faux de nous mettre dans la peau du spectateur extérieur, montrant de manière souveraine plus ou moins de générosité dans l’accueil de réfugiés. L’Occident – en première ligne l’Europe – n’est pas un agent extérieur, mais bel et bien un acteur de la crise. En soutenant politiquement et matériellement des régimes autoritaires, nous avons pactisé avec des forces peu scrupuleuses. Aujourd’hui, ce sont les victimes de nos anciens « amis » qui demandent notre aide. Nos responsabilités morales n’en sont que plus fortement engagées.
Cette situation à proprement parler exceptionnelle appelle des réponses du même ordre. Notre seul horizon de pensée ne peut être de renvoyer le plus rapidement le plus de migrants possibles. Il relève de notre responsabilité de préparer une réponse à la hauteur des évènements historiques. 2011 marque les 60 ans de la Convention de Genève sur les réfugiés et l’occasion est belle de joindre le geste au symbolique.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

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