lundi 15 décembre 2008

Facebook, une communauté pour 2008 ?

Difficile de dire si Facebook restera dans les annales de 2008 comme le nouveau phénomène social. Il n’empêche que nul ne peut contester l’entrée en force du site de réseautage dans ce que nous appellerons la « vie publique ». Chose encore impensable il y a quelques mois, il n’est plus rare de lire dans les médias des citations ou des informations tirées directement de la plate-forme de rencontre. Du côté des utilisateurs, la « NZZ am Sonntag » estime que le million de Suisses inscrits a été franchi.
Il faut dire que les avantages sont nombreux. En plus de faciliter les retrouvailles de vieux camarades, le réseau offre la possibilité de rester connecté en permanence avec son groupe de collègues, d’amis ou même de conquêtes amoureuses. Osons également le mot, Facebook permet de satisfaire notre curiosité naturelle, flirtant souvent avec un doux voyeurisme.
On ne saurait toutefois oublier les zones d’ombre du réseau social. Pour certains utilisateurs – mais seulement les autres, bien entendu – le besoin de mettre en scène sa vie devient quasiment pathologique. Sur cette pente glissante, des heures entières sont consacrées à cette seconde vie numérique. Toutefois, il en faut plus pour faire peur aux partisans du réseau. Sans coups férir, ils balaient ces inquiétudes en évoquant une « utilisation intelligente », comme une réponse à tous les abus.
La véritable problématique de Facebook se situe ailleurs. C’est une platitude de rappeler que le réseau représente une mine d’informations quasiment inimaginable. L’intégrité des différents utilisateurs n’est plus directement en jeu, car Facebook a relevé de manière drastique le niveau de protection des données. Aujourd’hui, un seul principe semble faire foi : mes informations personnelles ne sont données qu’aux personnes possédant mon autorisation. La mise en ligne des photos, mettant bien souvent en scène des personnes n’ayant donné aucune forme de consentement, reste néanmoins un point très problématique. Attendons le premier scandale pour voir comment l’affaire se développera, notamment sur un plan légal.
Par contre, Facebook traite de manière statistique les informations relatives à ses millions de membres : nous sommes face au plus grand sondage jamais réalisé. A n’importe quel instant, Facebook peut calculer combien de personnes entre 15 et 25 ans vont skier à Verbier. Inutile d’être un génie du marketing pour comprendre la valeur commerciale d’une telle somme d’informations. De manière plus pernicieuse, le système pourrait peu à peu rogner la liberté de ses utilisateurs, notamment en leur proposant une publicité toujours plus (et mieux) ciblée. Mais cette problématique dépasse largement le seul Facebook et figure en haut de la liste des défis d’avenir du web. A relever en 2009 ?

www.chroniques.ch

Johan Rochel

6 commentaires:

Pierre Dumas a dit…

Salut Johan,

On prend souvent l'exemple de la personnalisation des publicités sur le web comme une restriction de la liberté. Il est clair que pour l'annonceur, l'efficacité de ce type de pub est beaucoup plus intéressant pour leur business. Toutefois est-ce vraiment une perte de liberté pour l'utilisateur que nous sommes?

Dans ce monde où il y a une pléthore de produits de toutes sortes, le fait que les annonceurs puissent proposer des produits qui pourraient un peu plus nous intéresser ne serait pas justement une augmentation de notre liberté? (Bon là je vais peut-être un peu fort) Dans ce cas, nous avons un plus grand choix de pub qui pourrait nous intéressé, et même si les publicités qui ont été sélectionnées n'ont aucun intérêt pour l'utilisateur, la situation ne serait pas, de toute façon, pire qu'avant!

Johan Rochel a dit…

Bonjour Pierre,

Merci pour ta réaction. Venant d'un professionnel du milieu, elle fait particulièrement plaisir.

Il est vrai que l'argument de la publicité revient souvent sur le devant de la scène.
Je pense qu'il faut différencier les répercussions au niveau de l'utilisateur individuel et une vue plus "globale".

Au plan individuel, il est certainement discutable que ma liberté diminue beaucoup, en tous cas pour le cas Facebook. Non contente d'être ciblée, la publicité pourrait devenir encore plus présente (sollicitations incenssantes de la part des annonceurs par ex.)
Dans le cas de Google, le danger est par contre bien plus grand, le moteur de recherche pouvant éventuellement restreindre la portée de mes recherches. Je t'encourage à lire la chronique que nous avions écrites à ce sujet avec Gilles Meynet (disponible dans les archives).

Au plan global, toute concentration d'informations peut une fois ou l'autre s'avérer dangereuse pour la liberté individuelle, qui plus est quand cette somme d'informations n'est contrôlée d'aucune manière. Au fur et à mesure, un groupe comme Facebook dispose d'une manne d'informations à peine imaginables, qui lui permettrait, une fois ou l'autre, d'entreprendre des actions qui pourraient limiter notre liberté. Nous pourrions envisager par exemple des campagnes de spam "organisées", dans le sens qu'elles cibleraient directement les utilisateurs ayant été enregistrés.

Je te l'accorde, ma crainte contient nombre de conditionnels. Il y a une chance non négligeable que rien de fâcheux ne se passe.

Je pense qu'il faudrait travailler plus à fond sur cette question pour aboutir à une conclusion plus solide.

Au plaisir de notre prochain échange,
Johan

Johan Rochel a dit…

Alors que la journée internationale de la protection des données se prépare (elle a lieu le 28 janvier 2009), j'ai tendu l'oreille à l'écoute de l'émission de la RSR "On en parle" (édition du 27 janvier 2009).

La question ne touchait pas du tout la problématique Facebook, mais les questions de protection des données en relation avec carte Cumulus/Super Card.

Une auditrice avait été surprise de recevoir une publicité ciblée pour des produits non-lectosés, suite à la collecte et à l'analyse des données qu'elle a livrées aux centres commerciaux au travers de ses achats (une quantité d'informations proprement phénoménales !).

Le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence le décrit de manière très précise:
"Elles [les entreprises ; J.R.] peuvent tracer des profils de personnalité individuels, c'est-à-dire qu'elles peuvent découvrir la marque du véhicule qu'une personne donnée conduit, les livres qu'elle lit, la musique qu'elle écoute, ce qu'elle dépense pour son habillement, son logement, ses assurances ou ses vacances, quelles sont ses destinations préférées, etc."

Inutile de rappeler que ces données sont un bien économique de premier intérêt (comme le prouve l'exemple de l'auditrice) et qu'elles ne sont pas seulement utilisées par la Migros pour la configuration de ses rayons, mais aussi par toutes les entreprises du groupe Migros (agence de voyage, banque,...)
Les données sont également au centre d'un principe fondateur de l'Etat libéral, à savoir la protection des informations propres à chaque personne (notamment la sphère privée).

De ce principe découle le droit de chaque personne d'exercer un contrôle strict sur l'utilisation des données la concernant, ainsi qu'un droit d'accès. Le "maître de fichiers" (dixit le préposé) doit ainsi garantir un accès et un suivi de l'utilisation des données personelles.

Afin de revenir à la communauté Facebook, plusieurs questions se posent:
- sur un plan légal, sous quelle juridiction serait traité un cas problématique de protection des données ?
- comment garantir le droit de contrôle de chacun ?


Site du préposé:http://www.edoeb.admin.ch/index.html?lang=fr

Johan Rochel a dit…

Dans une discussion récente, un ami me mettait en évidence ce qu'il estimait être le plus grand danger de Facebook, mais également sa plus grande réussite.

Afin de déterminer ce que fait une personne, il est facile de lui coller un policier ou un détective privé. La Stasi l'a prouvé.

Mais par contre, Facebook réussit l'incroyable défi de rendre le carnet d'adresse et le réseau de relations de tout en chacun accessible en temps réel. Et pour cela, même les services secrets les plus performants doivent se donner beaucoup de peine.

dOfré a dit…

Excellente chronique Jo.

Grace à un brainstorming pour un site de social networking interne, un de mes boss a fait une remarque qui m'a interpellée et qui j’espère va te donner de la « food for thought » pour tes réflexions futures…

Que penses-tu de ce statement : les gens ont pris l’habitude d’aller sur internet pour s’informer (dans le sens « to get information ») . Grâce aux sites comme facebook on donne enfin la possibilité aux gens de contribuer à l’information…

Qu’en penses-tu ? est-ce que le succès de facebook est vraiment du à la facilité d’accéder aux informations de tout un chacun (et de participer à ce doux voyeurisme dont tu parles) ou alors est-ce que l’être humain du XXI eme siècle a enfin trouver un moyen, grâce à facebook, de contribuer à l’information qui l’entoure ? J’entends par là que facebook comble un besoin fondamental que l’être humain a de communiquer. C'est-à-dire qu’au même titre qu’il peut le faire avec un téléphone, il a aujourd’hui le moyen de communiquer sur internet, chose que le commun des mortels ne pouvaient facilement faire avant l’avènement des blogs il y a quelques années ou de facebook plus récemment…. ?

Sinon mon pronostique pour 2009: Facebook sera remplacé par le premier système qui permettra de faire mieux ce pour quoi les gens l’utilisent … Informations personnelles utilisée pertinemment ou pas, l’internaute aura toujours le dernier mot et il n’est pas très fidèle…

Johan Rochel a dit…

Cher Dofré,

Encore une fois merci pour cette réaction.

Deux points que tu évoques doivent être, il me semble, mieux différenciés.

Premièrement, Facebook pourrait donner l'occasion aux gens de participer à la production de l'information. Absolumment d'accord, même si je ne pense pas que Facebook est utilisé dans ce but en première ligne.
Sans être un expert des nouvelles technologies, ce que tu décris là, n'est-ce pas ce que beaucoup appellent le "web 2.0", où les individus sont invités à partager et à participer de manière active à la production d'informations ? Le modeste blog de votre serviteur s'inscrit très certainement dans cette mouvance. Très intéressant est également le développement "hors internet" qu'a connu cette idée, avec l'apparition toujours plus fréquente de téléspectateurs, d'auditeurs, de photographes amateurs dans le travail des professionels de l'information.

Deuxièmement, tu avances que Facebook comble le besoin fundamental de l'être humain à communiquer. Absolumment d'accord également. Sur ce point, il n'est qu'un nouvel épisode de l'histoire de la communication entre les hommes et les femmes.

Ta dernière remarque me semble très pertinente. Le surfeur du net n'est pas un fidèle et il va là où l'attend le meilleur service. Encore plus que Facebook, qui s'impose ces temps-ci car il est certainement très bon, mais également parce qu'il est trendy, Google continue de mener le bal car il s'améliore sans cesse. Il est tout simplement le meilleur moteur de recherche, la meilleure boite email,... Voilà une bonne méthode de fidélisation: être le meilleur !


Bien à toi,