jeudi 15 septembre 2011

Lettre ouverte à Joseph Zisyadis

Il n'est déjà pas habituel de découvrir des recettes culinaires sur un blog politique. Mais qu'un Stambouliote communiste et théologien, fumant la pipe et se réclamant amateur de bonne chère nous propose de découvrir son « salami au chocolat » dépasse une bonne fois pour toutes les bornes de l'helvétiquement correct. Votre œcuménique « couscous aux filets de perche du lac » n'y changera malheureusement rien.

Mais ces quelques recettes ne forment que l'amuse-bouche – pardonnez cette transition aisée – d'un parcours autrement plus original. En effet, quel chemin parcouru d'Istanbul à Lausanne, de la faculté de théologie aux arcanes du Parlement fédéral, de conseiller communal à habitant scandalisé du canton d'Obwald ! Après près de 18 ans de services sous notre honorable coupole fédérale, un personnage truculent quitte en octobre la capitale.

Vu de l'extérieur, on ne peut s'empêcher de se demander à quoi ressemble le travail d'un parlementaire communiste. Le changement de paradigme prôné est si important que travail en équipe avec vos collègues ne peut rimer qu’avec collaboration. Est-ce pour vous dépêtrer de cette nécessaire potée politique – à la fois peu ragoûtante et digeste – que vous utilisez souvent la parabole du chemin à parcourir? « La politique doit être partage, amitié, confiance, un bout de chemin que l’on fait ensemble, un projet que l’on fait vivre pour rendre ce monde plus tendre, plus juste et plus humain » écriviez-vous lors de la campagne 2007. Mais pour un communiste pur souche, ne faut-il pas y voir l'abandon d'un combat autrement plus extrême, à savoir le dépassement d'un système profondément injuste? La stratégie des petits pas est-elle en adéquation avec les attentes de ceux qui vous ont envoyé à Berne? Ces questions, vous les avez certainement ressassées plus d'une fois. Après tout, ne sont-elles pas le lot des courageux et des fous qui prônent une rupture fondamentale, presque ontologique?

Afin de jauger de la présence et de l'action d'un conseiller national d'extrême gauche, il faut peut-être prendre de l’altitude. Au final, ne s'agit-il pas de marcher ensemble vers la vérité? Soit vos propositions étaient véritablement saugrenues et leur réfutation nous a permis d'avancer d'un pas plus assuré vers un choix raisonnable. Soit vos propositions méritaient examen plus attentif, et nous avons eu l'occasion d'améliorer notre opinion. « Gagnant-gagnant », diraient les plus optimistes. Perte de temps, repousseraient les sceptiques. Au moment d'envoyer un éventuel successeur rouge à Berne, les électeurs trancheront cette épineuse question. Quant à moi, je vous adresse mes vœux pour une continuation à la fois épicée et engagée.

Johan Rochel

Cette lettre ouverte est la deuxième d’une série dédiée à certaines personnalités quittant la Berne fédérale.

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