lundi 6 juin 2011

Un voyage aux frontières

Samedi soir, en terres zürichoises, j’ai participé à ma première soirée transgenre. Comment résumer cette brève et furtive excursion dans un monde inconnu ? L’étrange voyage commence dans l’univers des mots et des catégories les plus banales pour aboutir à un constat sans appel : notre vocabulaire n’est pas adéquat. Transgenre, un mot valise pour dire la réalité et le quotidien de nombreuses personnes qui ne se sentent pas à l’aise dans leur identité. Ils ou elles sont né(e)s hommes ou femmes, mais ne se reconnaissent pas dans leur identité physiologique, sexuelle ou sociale. Ne les appelez pas transsexuels ; il est question de choses plus profondes que de changements chirurgicaux ou d’une orientation sexuelle.

L’ambiance de la soirée est bon enfant, beaucoup semblent se connaître. Outre quelques accoutrements un peu osés, l’atmosphère est étonnamment « normale ». Le mot tombe, comme un couperet. Un brin voyeur, voici donc que j’étais venu chercher l’extraordinaire. Plus que l’anormal, c’est le singulier et le particulier qui frappent ici. On est au cœur de l’inclassable, un endroit où les catégories perdent leur raison d’être et leur importance. Mon voisin est-il une femme ? Se sent-il homme ? Souhaite-t-il rester entre les deux, se baladant comme un funambule sur cette frontière des sexes ?

Perturbante sensation que celle de buter sur le fondamental. Sans la distinction homme-femme, peut-on concevoir le monde qui nous entoure ? Comment appréhender ceux qui se déplacent dans ce no-man’s land de l’entre-genres ? Entre le bar et la piste de danse, les gens virevoltent, ouverts à toutes formes d’expression du genre. Ma propre identité se fait pesante. Le regard parfois lourd que j’avais posé sur les convives m’est renvoyé comme un miroir. Sur scène, un artiste se produit. Il est femme et homme, sorte de Janus gardant la porte de ce monde à la fois ouvert et mystérieux. La frontière se fluidifie, elle n’est que transition entre des catégories incapables de saisir la réalité. Je reste là, perdu entre la piste de danse et les abysses de l’identité.

Pour en savoir plus: http://www.transgender-network.ch/fr/

Johan Rochel

www.chroniques.ch

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