vendredi 14 janvier 2011

Année électorale...par amour de la Suisse !

Éditorialistes et chroniqueurs se sont donnés le mot d’ordre pour la nouvelle année : pronostiquer au plus juste les résultats qui sortiront des urnes en novembre prochain, date de renouvellement du Parlement fédéral. Que de difficultés dans cet exercice de divination !

En guise de mise en bouche, il apparaît plus approprié de se contenter des différentes plateformes électorales déjà disponibles. Après le slogan « Ma maison – notre Suisse», l’UDC poursuit sur sa lancée avec « Les Suisses votent UDC ». Rien de nouveau sous le sympathique soleil de feu le parti agrarien. Plus surprenant s’avère être le choix des Libéraux-radicaux - avec une campagne fédérale "Par amour de la Suisse" - et des Démocrates-chrétiens et leur campagne "Les Suisses qui sont heureux votent démocrate-chrétien - Succès. Suisse. PDC.".

S’agit-il d’un choix bénin, une trace quasi non consciente de la funeste stratégie de pâle copie de l’UDC ? Ou s’agit-il d’une véritable nouveauté, qui révèlerait au passage des tendances plus profondes participant à la reconfiguration des partis du centre-droit ? Le temps semble mûr pour une tentative de mise en perspective.

A n’en pas douter, les slogans PLR/PDC traduisent un recentrage sur la Suisse. A son tour, celui-ci renvoie à une tension entre patriotisme et nationalisme. Les libéraux-radicaux réaffirment-ils simplement leur patriotisme originel, défini comme la volonté de pérenniser la qualité de notre vivre-ensemble ? Sur un ton amoureux, le PLR affirme-t-il sa volonté de se battre pour les principes et les institutions propres à un pays pluraliste, libéral et démocratique ? Pour tous ceux qui tremblent face au climat délétère qui s’installe, que la nouvelle serait réjouissante !

Mais il pourrait s’agir de nationalisme à peine dilué. Un amour du pays qui toucherait au fétichisme d’une Suisse qui n’existe que dans les mythes nationaux. Un amour fusion qui étoufferait le dynamisme de notre pays en le bloquant dans des structures et des concepts surannés. Un nationalisme dont on trouve moult émanations dans la sauvegarde d’une armée de grand-papa, la remise à l’ordre du jour d’un système scolaire couleur sépia et – ô combat suprême – dans l’éternelle croisade contre l’Europe.

La Suisse telle qu’elle existe depuis (seulement) un peu plus de 150 ans se transforme en standard absolu et indépassable. Impossible de penser l’après Etat-nation type 19e siècle. Et pourtant, à relire les arguments des conservateurs contre la mise en place de l’Etat fédéral en 1848, on se prend à entendre les chantres de la souveraineté nationale déclamant tout leur dégout de l’UE. O tempora – o mores ! Ô temps, ô mœurs ! Et pourtant, pourquoi la Suisse et sa souveraineté telles que nous les connaissons aujourd’hui devrait-elle perdurer éternellement ? L’histoire ne nous montre-t-elle pas l’évolution des institutions ?

Les positions défendues par les nationalistes de tout poil ne sont pas mauvaises en soi. Elles pèchent par manque de faculté d’adaptation et par excès de crispation face à toutes nouveautés. Les Libéraux-radicaux veulent s’engager "Par amour de la Suisse" et les Démocrates-chrétiens "Succès. Suisse. PDC" : grand bien leur fasse ! Espérons qu’ils sachent enfin reconnaitre la place des véritables patriotes : proches du centre et des grandes utopies libérales.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

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