mercredi 6 janvier 2010

Lire Mandela à Téhéran

800 pages d’un concentré de vie à lire d’une traite pour entamer 2010. Du jeune étudiant noir faisant face aux injustices de l’Apartheid au dirigeant élu lors des premières élections démocratiques d’Afrique du Sud, la vie de Nelson Mandela est synonyme d’un des plus grands combats de libération du 20e siècle. Intitulée sobrement « Un long chemin vers la liberté », son autobiographie retrace le parcours incroyable de l’homme, éclairant d’un jour nouveau le mythe Mandela. Sur fond de tempête historique, on découvre alors l’autoportrait sans complaisance d’un politicien tiraillé, d’un prisonnier politique enfermé durant presque 30 ans et d’un père de famille négligeant.

Outre l’évocation particulièrement prenante d’une époque si différente et si proche à la fois, les réflexions de Mandela sur la lutte contre un Etat profondément injuste résonnent dans l’actualité. Alors que la théocratie iranienne tente d’écraser le vert de l’espérance, un coup d’œil vers Téhéran suffira à s’en convaincre.

Selon ses propres dires, Mandela fut un non-violent convaincu. A travers le Congrès national africain, il organisa quantités de manifestations non-violentes : grèves diverses, résistance passive, campagne de non-respect de certaines lois. Mandela ne fut toutefois pas un non-violent au sens de Gandhi ou de Luther King, qui prônaient la non-violence comme principe fondamental et indépassable de l’action politique. Pour Mandela, la non-violence ne fut qu’une stratégie au service de l’élimination de l’Apartheid.

Au regard des évènements iraniens, la pensée de Mandela est particulièrement féconde. Selon lui, c’est le régime en place qui dicte les conditions de lutte de l’opposition. Si le régime écrase sans pitié des manifestations non-violentes et tente d’interdire toute expression populaire, la non-violence disparaît des options viables du simple fait de son impossibilité pratique.

Durant plusieurs décennies, le régime sud-africain étouffa toutes tentatives d’émancipation non-violente, en recourant aux assignations à domicile puis aux emprisonnements arbitraires des leaders noirs et à une interdiction de réunion publique de plus de deux personnes. Par là-même, il condamna de facto les stratégies non-violentes, poussant l’opposition vers la lutte armée et violente. A observer de loin les évènements de Téhéran, on se prend à voir l’application parfaite des thèses de Mandela. Plus que jamais, c’est le régime des ayatollahs qui dicte les conditions de l’opposition, en rendant impossible toute manifestation pacifiste et en bloquant tout processus de changement sociétal.


Johan Rochel

www.chroniques.ch

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