lundi 5 janvier 2009

Commencer 2009 avec Orwell


La chronique de l’an nouveau possède un goût bien particulier. En ces temps rituels d’un nouveau départ, affranchi des vieilles torpeurs et propre à stimuler des projets inédits, la chronique donne le ton d’une re-naissance attendue avec impatience. Dans cet esprit, je n’ai trouvé meilleure entame qu’une petite piqûre de rappel administrée par George Orwell lui-même. Défenseur engagé de la liberté de pensée, l’auteur de 1984 ou de la Ferme des animaux - deux des plus marquantes fictions politiques du 20ème siècle - n’a rien perdu de sa superbe.
Comme l’expliquait le toujours excellent supplément culturel du journal Le Temps dans une édition récente, Georges Orwell fut un pratiquant convaincu de la chronique de société. Futiles ou importants, tous les sujets méritaient leur juste place dans ses courtes critiques des petites habitudes de la société anglaise. Le « je » qu’employait Orwell symbolisait plus que tout autre élément la radicale liberté de pensée du chroniqueur.
En usant de la première personne, l’auteur met en avant son honnêteté intellectuelle, exposant ses idées au feu croisé de tous ses détracteurs. Plus encore que la critique, il se place au-delà des avis bien entendus et des discours répétés, tentant d’apporter un éclairage propre sur le cours du monde. L’exercice peut paraître présomptueux ; il a toutefois le mérite de ne pas transiger sur l’exigence du penser par soi-même.
Comme l’écrit Orwell de manière cinglante, « le véritable ennemi, c’est l’esprit réduit à l’état de gramophone, et cela reste vrai que l’on soit d’accord ou non avec le disque qui passe à un certain moment. » Répéter des opinions comme le lecteur de disque émet des sons, c’est l’abandon de notre faculté de penser. Au 18ème siècle, le philosophe allemand Emmanuel Kant avait déjà formulé le principe premier de l’esprit des Lumières : « Aie le courage de penser par toi-même ». Plus qu’une simple possibilité, cet appel prend la forme d’une exigence pour qui veut penser de manière autonome et responsable.
Guidé par cette quête de liberté de vues et d’esprit jamais terminée, le « je » d’Orwell ne fait pas de quartier sur le terrain du combat d’idées. Dans cette tradition, c’est également à vous lecteurs de piquer au vif le chroniqueur qui tend à s’oublier. Certains l’ont fait en 2008, et il ne me reste qu’à espérer que beaucoup d’entre vous prendront la plume en 2009. A nous tous, je souhaite de fructueux échanges.

Johan Rochel
www.chroniques.ch

2 commentaires:

Raphaël Vachoux a dit…

2009 sera l'année des chroniques, ou ne sera pas.
A tout bientôt.

Raphaël V.

Denaes a dit…

Oui mais comment ne pas avoir peur de perdre la dernière feuille de fierté que nous avons sous ta plume si bien aiguisée ?