vendredi 13 juin 2008

Naître ou devenir femme ?

Les anniversaires laissent parfois un goût amer. En début d’année, on fêtait à grands frais le centenaire de la naissance de Simone de Beauvoir : un mois de documentaires, témoignages et rééditions diverses. Le devoir de souvenir a souvent pris le pas sur l’analyse et l’actualité de la question féministe.
Car de Beauvoir, dans son ouvrage Le deuxième sexe (1949), a posé une question que l’on serait bien inspiré de remettre régulièrement au goût du jour : une femme naît-elle femme ou le devient-elle ? Sous ses allures simplistes, la formule paraît stupide. Une petite fille naît, elle sera femme. Affaire classée.
L’interrogation fondamentale qu’adressait de Beauvoir à la société dans laquelle elle vivait était en fait celle du libre destin d’une femme. Une jeune fille a-t-elle la liberté de choisir ce que sera sa vie ? Il ne s’agit pas de déterminer si elle sera femme au foyer, carriériste décidée ou habile funambule entre les deux, mais plutôt si elle aura la possibilité d’user de son libre arbitre. La pression sociale l’enferme-t-elle dans un carcan, fût-il doré ? C’est à l’aune de la réponse à cette question que l’on mesurera l’émancipation féminine et l’éventuelle nécessité d’une revendication.
Formellement, toutes les portes ont été ouvertes à la gente féminine. Seules des barrières « sociales », fruits de la tradition et de vieilles structures centrées sur le masculin, empêchent encore les femmes d’accéder à tous leurs désirs. Mais ces barrières sont tenaces, et l’expression du plafond de verre convient à merveille : solide et invisible.
Comment aller de l’avant ? Peut-on se résoudre à l’attente, en se disant que les mentalités finiront bien par changer ? C’est la méthode que semblent privilégier les jeunes filles d’aujourd’hui. Toutefois, les générations passent et les frustrations s’accumulent. Mettre en avant les « femmes-modèles-de-réussite » va-t-il permettre de briser les vieilles habitudes, ou renforcer la pression sur toutes celles qui ne se sentent pas des ailes de super héroïne ?
L’idéal à atteindre est clair : les femmes doivent jouir des mêmes possibilités que les hommes de choisir leur vie. En tant qu’individu, chaque femme est appelée à devenir consciente des stéréotypes qui pèsent sur elle et à s’en affranchir dans un but de plus grande liberté.
Politiquement, rien ne devrait venir contredire cet idéal. Chaque choix de société ne devrait être pris que dans le respect de ce critère d’égales possibilités. Dommage que cette chronique anniversaire de Simone de Beauvoir ne soit parvenue jusqu’aux oreilles de la majorité politique du Valais.

Johan Rochel
Publié en éditorial du Magazine le Vendredi, 13 juin 2008
www.chroniques.ch

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